Sable femme


Mes amis, comment vous raconter ces dix jours de liberté dans ma Bigoudénie chérie? Farniente sur les plages, longues promenades dans les rochers, dans les forêts, dans les landes sauvages, méditations interminables dans des chapelles, Tronoën, La Tréminou, la minuscule St Vio, contemplation de sources, de calvaires, de menhirs… Mots magiques: Penhors, Loctudy, Pouldreuzic, Tréguennec, St Guénolé, Penmarc’h…

A mon arrivée, après deux bises faites à ma tante Angèle, j’ai tout de suite couru vers la mer. Ce n’était pas la première fois que je rencontrais l’océan, que j’entendais la musique de son ressac, que, malgré le temps peu clément, je ne grelottais pas nue sur l’une de ses plages immenses. Le murmure affectueux des vagues, le velouté mystérieux du ciel, la douceur du sable, tout se conjugua pour m’emplir d’une émotion si poignante que, sur-le-champ, je décidai d’apprendre le breton et de venir finir mes jours dans ce pays aux apparences pourtant rudes que j’assimilais à la terre du bonheur et de la vérité de la vie. Poésie du désordre de l’Inconscient, des fantasmes caverneux, du règne enfantin des chimères, des poulpiquets, des korriganes et des fées, inflation de transparences, de seins, de cuisses sur les plages, de châteaux de granit à la dérive, de songeries creuses, de lendemains meilleurs… Oui, pendant ces dix jours, j’ai vécu l’été des transparences, des confidences de la Nature qui savent faire bouillonner mon esprit. L’air était si léger (si léger qu’une femme volage eût pu paraître de plomb), que je me sentais totalement grisée de nudité et d’humidité entre les cuisses.

Aujourd’hui, de retour à Paris, le monde me paraît bien étrange, petit et trop fragile, creux, sombre, alambiqué. Le monde tombe facilement en petits morceaux par terre, je le range pourtant dans des boites, je range tout, tant que je peux, agendas, dossiers sur le disque dur de mon ordinateur, dans des endroits fixes. J’enrage quand je déplace sans m’en rendre compte un flacon, une petite cuiller, un gode, quand je vois une boite, un réveil, un face-à-main hors de sa place habituelle!

Un jour, durant mon séjour, alors que je rêvais de sauvages nichonnées, que j’avais mal au creux du ventre, que je souffrais de la violence de mon désir, étendue seule et nue sur la partie moins fréquentée de la grande plage de Tréguennec, elle m’apparut. Sans doute m’avait-elle déjà repérée. Elle marchait vite, dans sa longue robe vert pâle qui laissait voir la moitié de ses seins. Paupières azur, ongles saphir, cheveux horizon, bouche indigo, elle s’approcha de moi, sans dire un seul mot, sans faire davantage de bruit que le gros motif du collier de verre qui bruissait entre ses seins, sans se présenter, sans me demander la moitié du quart d’une autorisation. Elle s’agenouilla, m’embrassa longuement sur la bouche. Ma main, en douceur, en profita pour se faufiler dans le sillon vertigineux de ses fesses, frôla ses lèvres tendres où son clitoris silencieux attendait mes doigts besogneux. L’air de rien, tranquillement, je le caressais, l’amourachais, puis enfonçais mon index et mon majeur dans l’orifice grand ouvert. Tandis que mes doigts fouillaient, ne voulant m’arrêter en si bon chemin, j’enfonçai aussi dans son cul mon pouce qui ne tarda pas à côtoyer mon index à travers la fine cloison. Ce faisant, la belle inconnue cessa subitement son mortel baiser et empoigna mes seins délaissés. C’est alors qu’elle retira sa longue robe vert pâle et que, nue, elle se dressa, véhémente amante, exhibant son corps de déesse océane avec un orgueil sans pareil. Narines crispées, bouche égarée proférant une longue série de feulements accompagnant spasmes et trémoussements dus à ma main qui, secrètement, continuait son œuvre de plaisir, elle passa en revue toutes les modalités de l’orgasme comme si elle se fut progressivement transformée en saxo ténor sous l’agitation folle de mes doigts, tout en se refusant de perdre sa belle dignité de fée, tant restèrent solides les courbes de ses hanches et fermes celles de ses seins.

Son anus se contracta subitement si brutalement que je crus qu’il allait m’arracher le pouce. Ma main quitta la grotte torride, et c’est alors que son visage revint sur le mien, géant comme les yeux globuleux d’une mouche, sa bouche cherchant la mienne. Nous nous embrassâmes de nouveau. Ses lèvres étaient un goémon vivant et multiplement ramifié, et sa langue une houle de feu déchaînée. Sous son corps humide, je m’enfonçais telle une charrue aquatique et céleste. Je vis se dresser les pointes de ses seins, tandis que je sentis les miennes grossir et lancer des flammes. Mon ventre se liquéfia. Avec ses doigts, à son tour, elle me pénétra, me fit pousser à mon insu une infinité de couinements d’otarie et aussi des branches d’angélique sur la tête, et pisser à n’en plus finir mon jus et un plaisir sans fin. Quand je repris la notion de mes esprits, quand je repris corps avec le dessein de ma vie, elle avait disparu avec ses seins. Le lendemain et le surlendemain, elle revint, et nous baisâmes encore de la même façon, sans plus de façons, mais dans les jours qui suivirent, je ne la revis point, elle ne revint plus, et, malheureuse je la recherchai en vain.

Ophélie Conan (« Sable femme », publié dans « Conan la barbare I », le 18 août 2010)

(Texte publié le 30 avril dernier dans "Marianne a du chagrin".)

Commentaires

  1. Ophélie venait de vivre la rencontre avec une Fée...
    Quelle émotion de lire cette liste de lieux bretons à 800 bornes de moi et que je connais pourtant pour chacun d'eux et pour y avoir établi ce contact avec la Nature et des Êtres, par l'Amour par les mémoires cellulaires anciennes. Cela s'est fait lorsqu'un jour j'ai demandé à une native de la Presqu'Île: "Amène-moi à Crozon", dont elle me parlait avec sa chair, avec ses hanches, avec ses seins, avec son anus, avec son enfance de Femme native de là... un mois après, un premier novembre puis le jour des morts, nous y avons séjourné... Et c'est de ces jours là que j'ai consulté, que nous avons consulté les Annales Akashiques nous concernant, de par ce qui s'est alors joué...
    Ouch! Que de surprises!

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    1. Oui, elle rencontrait une fée sur cette plage. Elle sortait d'une expérience lesbienne à Paris avec une sorte de folle magicienne comme la Nadja d'André Breton, je veux dire Apolline, et elle souffrait du manque de femme. Elle ne connait pas encore Emma, pas encore Rose, pas encore Marlène et Marceline, pas encore Sandrine, pas encore moi. Elle voulait baiser et baisait avec la représentation de son désir, avec elle-même...
      Heureux si, avec les Annales Akashiques, tu es branché sur un Cloud Cosmique qui te permet de communiquer avec tous les lieux, les choses et les êtres de la Création.
      "Ouch! Qu de surprises!" laisse entendre que tu as certainement des révélations à faire!

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  2. Cette Terre Bretonne est habitée de longtemps d'âmes anciennes et Ophélie dont le prénom lui-même contient le mot Fée ("Phé" qui est une abréviation de "Phénix" -1-)aura séduit dans ce texte une de ces âmes des rives autant océaniques que volcaniques. La preuve en est cette Union Femelle dans le Désir qui générera les enfantements de vos êtres de chair et d'esprit, ses amantes d'aujourd'hui. Le prénom d'Ophélie contient également l'évocation de l'"Eau" ("O")

    Des révélations, je ne pense pas être porteur de cela, mais je constate simplement que sont mentionnés très précisément une liste de lieux de ces côtes océaniques où j'ai vécu moi-même des Unions amoureuses et sexuelles extrêmement puissantes avec des âmes humaines réalisées au cours de ma vie humaine actuelle. Et pourtant il ne manque pas de lieux n'est-ce pas, dans le Finistère Sud...!

    Voilà par exemple une des synchronicités qui est évidente,

    Concernant les Annales Akashiques, le "Cloud" comme tu dis, il m'a été rapporté ce fait de mon âme et de mes cellules humaines que depuis les temps premiers de l'humanité je suis un scribe, un messager un transmetteur des informations de l'invisible. Et cela a commencé en Haute Égypte...

    Cela rejoint un message que j'ai reçu un jour lors d'une NDE-EMI à l'issue d'un passage dans un tunnel, un tunnel des morts, sorte de chambre d'Amenti qui m'a mis en relation avec ce que l'on appelle les "Égyptiens"... qui me proposait de continuerer à vivre, j'avais 20 ans.

    En d'autres temps, notamment lors des grandes crises humaines, moyen-âge, XVIIème et les grandes guerres des siècles derniers, j'ai rempli ces fonctions de scribe, en préhistoire aussi,

    Je me suis intéressé aux origines de l'écriture et c'est un Dieu Égyptien qui représente le mieux cette fonction qui consiste à transposer depuis l'invisible une forme de matérialisation compréhensible par la poésie et la chair, le sexe, l'humanité : l'écriture.

    Ce que chante Ophélie, ce que tu chantes toi également est cette écriture de l'amour, cette transposition de l'invisible par le fait de l'amour et de notre incarnation.

    Je reconnais exactement dans cette écriture ce qui nous réunit par delà les Espaces et par delà les temps, depuis l'origine et c'est dans ma chair et c'est dans mon sexe aussi c'est animal, c'est bestial, c'est sauvage, c'est primitif. Mon sexe est également clitoris et je me sens votre sœur, je me sais votre sœur à vous reconnaître ainsi, ce que j'ignorais alors que Ophélie était encore vivante, et c'est de par sa manifestation par ton intermédiaire que la rencontre se produit comme par la volonté d'Ophélie de se manifester à toi par mon Être Féminin sexuée en mâle, et peut-être en Lilith aussi, je ne sais trop,

    Je te délivre cela ainsi comme cela vient, à la lecture de ces quelques textes qui font penser à des lettres apocryphes dont le secret t'appartient et que tu choisis de révéler, de transmettre,

    1- https://fr.wikipedia.org/wiki/Ph%C3%A9nix

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    1. Pour l'étymologie du prénom "Ophélie", j'en étais restée à son invention par Shakespeare, à partir du Grec! (https://madame.lefigaro.fr/prenoms/prenom/fille/ophelie). Mais ce que tu dis est beau, vrai d'un certain point de vue, et digne d'un poète!

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    2. J'ignorais totalement que c'était par Hamlet que ce prénom s'était fait connaître, il est vrai que s'intéresser ai prénom m'est étranger, sauf à y découvrir une Nature bien particulière comme cela se passe avec Ophélie et toi, pour le prénom de cette Reine-Sour-Mère-Amante,

      En tous cas belle origine par le rapprochement avec Ophélia au funeste destin des plus poétique.

      J'ai adoré le film réalisé par Kenneth Branagh suite la base du texte intégral.... plus de 4H si je me souviens bien, bouleversant et extrêmement troublant par l'effet produit,
      Pendant des années, porté par la cueillette d'images en lien avec le romantisme bovarien de Flaubert et de son personnage, Ophélia m'a toujours accompagné et est très très présente dans mes albums.... et dans mon être,
      Je la retrouve ainsi autant qu'elle apparaît dans sa corbeille fleurie d'éternité

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    3. J'aime aussi beaucoup l'Ophélia de Shakespeare, et je suis toujours amoureuse de la mienne qui ne me quitte pas.

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  3. Un très beau récit qui à travers des lieux bien réels (Le Finistère Sud et Paris, quel contraste !),
    on perçoit une envie de quitter la Capitale pour venir vivre dans l'immensité des divers paysages
    naturels et sauvages de la Bretagne profonde.
    Dû sûrement à une rupture amoureuse et lesbienne (lu plus haut), et l'envie de liberté, de respirer
    l'air salin des embruns, l'air des forêts et des vieilles pierres, mais hélas, sans amour pour l'instant.
    D'où, je pense, ce fantasme avec cette fée, cette sirène aquatique.
    Mais Ophélie n'aura pas beaucoup à attendre et réalisera ses rêves lesbiens, avec ces bigoudènes, avant de découvrir le grand amour avec toi, Marianne, et tu finiras par la rejoindre.
    Très beau texte. Ophélie nous a quitté jeune, mais quelle vie riche et atypique qu'elle a eue.

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    1. Oui, Ophélie sortait d'un fol amour avec Apolline et elle rêvait de femmes et de féminité. La suite a montré que la fée avait été généreuse, n'est-ce pas. Merci, Gil, pour ce petit retour en arrière.

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