Les plus doux instants

                                                 À Marianne,


Douce de ma vie
Je te prie
Dis-moi
Dis-moi ce que de nous deux le temps fera


Je vais je viens
Il y a comme un orage dans l'air
Il y a surtout comme une horreur dans l'âge
Accumulée en mon cœur
Grosse comme un nuage


Douce de ma vie
Je te prie
Dis-moi
Dis-moi ce que de nous deux le temps fera


Il passe
Le temps
Il avance sur son chemin aveugle
Mais tes seins qui
Tout le temps
Dansent sous ton pull
Sont un fabuleux trésor auquel je tiens


Moi je suis un navire tout blanc
Affrontant dans la nuit
Une mer de sexe déchaînée
D'emphase et de lyrisme
Mais aussi de gravité de secrets et de tendres murmures


Douce de ma vie
Je te prie
Dis-moi
Dis-moi
Ce que de nous deux le temps fera


On me dit mélange d’Enola Gay et de parfums surannés
De cruauté et de dentelles outragées
Mais parfois je vogue nonchalamment sur l’onde de nos plaisirs
La terre je ne vois guère
Je suis cascade
Je suis lac sombre
Je me blottis entre tes bras
Tu es mon ange lunaire
Mon puits et ma margelle
Tes yeux clignent
Je jouis solitaire
De la contemplation de ta moule
De ton cou
Et je te mate et te remate
Et me formate sur tes lignes délicates
Mais vite la vie s'écoule


Je m'intéresse à l'avenir parce que je sais bien
Que c'est là désormais
Que je passerai le reste de mon âge
Je réponds à tes élans brûlants
Tout va pour le mieux sous terre
Oui c'est l'horreur ordinaire
Je le sais bien
Mais je retarde cette affaire


Douce de ma vie
Je te prie
Dis-moi
Dis-moi
Ce que de nous deux le temps fera


Il est dit que maintenant je dispose de plus de quarante balais
Mais moi je dis
Que j'en ai seulement vingt
Auxquels faut ajouter
Vingt-quatre d'expérience


Douce de ma vie
Je te prie
Dis-moi
Dis-moi
Ce que de nous deux le temps fera


Je me réfugie sous ton tablier
J'y oublie le sablier
J'y apprécie mieux ton porte-jarretelles
Je te dévore à la croque au sel
J'y oublie le mauvais temps


De ma vie j'y revis
Les plus doux instants

Ophélie Conan

Publié dans « Mon amante irreligieuse« 

(Publié dans "Marianne a du chagrin", le 8 mai 2020)