Le soleil de ce printemps

Ophélie était une sorte de rebelle, plutôt une libertaire, certainement une libertine. Elle s’était intitulée barbare, à cause de sa frénésie de sexe, mais elle aimait le raffinement, les belles choses, prendre le thé avec ses belles amies, dans de jolies tasses à thé Minton.

Elle n’aimait guère faire parler d’elle, se mettre en avant, et se montrait souvent fort discrète dans les situations de groupe. Au fond, tout comme moi, elle était introvertie et pudique. Elle n’aimait pas s’exhiber en public, mais plutôt dans des lieux publics, avec discrétion. J’aime beaucoup ses écrits, surtout ses poèmes, et j’étais aussi très impressionnée par son goût très sûr en matière d’illustrations, de tableaux, de meubles anciens et de bibelots qu’elle entassait dans une remise qu’elle louait dans le bourg, car sa maison, avec tout ce gynécée qu’elle avait constitué, était trop petite.

Son rêve, c’était d’acheter une grande maison de caractère, plutôt XVIIIème, sans doute en Normandie ou dans le Perche, qu’elle aurait meublée avec toutes ces choses, et où aurait habité encore plus de femmes. Ce qui la retenait, c’était uniquement de s’éloigner de sa tante Angèle, à qui elle rendait visite presque chaque jour, avec beaucoup d’affection et de dévouement. Ophélie adorait s’occuper des personnes âgées et je sais qu’elle avait travaillé, pendant un temps, avant notre rencontre, dans un EHPAD de la région parisienne.

Elle n’a pas vraiment connu la pandémie du Covid 19, ni l’actuel confinement que nous vivons. Parfois, je me pose la question de savoir comment elle aurait vécu cette folie. Elle aurait certainement vitupéré contre les mensonges et les incohérences décisionnelles que nous subissons chaque jour de la part de ceux qui nous gouvernent. Mais elle aurait sûrement beaucoup aimé le soleil de ce printemps et aurait probablement tenté quelques promenades sur la plage.


(Publié le 17 avril dernier, dans mon blog "Marianne a du chagrin")

Commentaires

  1. Je découvre ton amie disparue et comme je te l'ai dit, Chère Marianne, j'ai une relation très fréquente avec les défunts avec cet invisible dont nous sommes constitués.. d'autant que depuis quelques années, j'ai une relation particulière avec des personnes de Bretagne et notamment avec des personnes pour qui je suis en relation par défunts de leurs proches interposés. Ne me demande pas d'explications, il en est ainsi ! Certains parlent de "médiumnité", ce terme et ce que j'en entendais enfant m'effraie, m'effrayait... Bref!

    Oui, cela pour te dire que je découvre un point commun avec ton Amoureuse, à savoir que ces dernières années, je me suis occupé d'une cousine âgée, isolée, seule, handicapée malade, dernière survivante de la (ma) lignée maternelle qui vivait sur les terres et la maison de mes ancêtres (cela remonte aussi loin que l'on cherche jusqu'au XVème siècle par généalogie). Cette cousine portait beaucoup de cette lignée et j'étais le seul de tous ses proches à être présent jusqu'à son dernier souffle. Elle me faisait régulièrement la remarque du "que serais-je/que ferais-je sans toi". Je l'aime toujours beaucoup, elle est toujours très présente. Je sais que tu as parlé d'Angèle par ailleurs suite au décès de Ophélie... Angèle a du voir beaucoup de noir de cette disparition brutale....

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    1. Oui, Angèle qui était une sœur de la mère d'Ophélie a beaucoup souffert quand elle a su la disparition de sa nièce. Elle est d'ailleurs morte quelques temps après. Après la mort d'Ophélie, Gaëlle et moi avons continué à nous occuper d'Angèle.

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