Notre vie quotidienne

La disparition d’Ophélie a été un cauchemar. Au début, sa mort m’est apparue irréelle. Elle l’est d’ailleurs toujours. Je cherche Ophélie dans la maison, je veux lui parler, la caresser, sucer ses seins, lui faire l’amour sur un lit, debout dans l’embrasure d’une porte. C’est impossible. Petit à petit, naît en moi le sentiment que je ne la reverrai plus jamais, que c’est fini. Je sais cela comme une dure réalité et j’ai beaucoup de chagrin.

À cela s’est ajouté le confinement sanitaire que nous connaissons actuellement, et tous ces morts chaque jour, en France, en Europe, et partout dans le monde. Ce mois de mars a été horrible. Cauchemardesque. C’est comme si mon horrible cauchemar de la mort d’Ophélie s’était subitement étendu à la planète tout entière. Partout il y a la mort et, bizarrement, vicieusement, dehors, c’est le printemps. Il fait beau, la nature renaît et les oiseaux chantent. Mon dieu, que j’aimerais que ce printemps soit comme les précédents, avec elle, dans ses bras, mes lèvres sur ses lèvres…

Près de moi, il y a Gaëlle qui m’aime et que j’aime aussi, mais Ophélie, c’était un amour différent, extraordinaire, magique. Gaëlle aussi est très affectée, elle me témoigne sa peine et partage la mienne. Elle me serre fort dans ses bras, et souvent nous pleurons ensemble. Cela nous fait beaucoup de bien de pleurer dans les bras l’une de l’autre. Puis après, nous faisons l’amour, en nous disant qu’Ophélie aurait aimé partager ce moment avec nous. D’ailleurs, elle le partage, Ophélie est avec nous.

À cause du confinement, Gaëlle ne voit plus sa sœur Karine, ni non plus Muriel, son autre sœur, ni Rose. Nous sommes seules toutes les deux. Chaque jour, nous rendons visite à Angèle, la tante d’Ophélie, pour lui venir en aide et lui apporter des courses, un peu de bien-être, de chaleur humaine. Nous apercevons parfois notre voisine, Joséphine, qui est aussi très en peine de la mort de Yann. La malheureuse ne comprend toujours pas pourquoi son diable de mari s’est suicidé.

Bien évidemment, nous ne voyons plus non plus Sandrine, confinée chez elle, ni non plus les deux inséparables Marlène et Marceline, également confinées. Nous avons des nouvelles de Grace et d’Angela, qui ont très peur de la vague de Covid 19 qui déferle sur New-York. Nous en avons aussi de Giulia, en Italie, qui nous dit qu’elle est en bonne santé, après avoir attrapé cette saloperie. Tout va bien aussi pour ses amies Giorgina, Grazia et Anna. Honorine aussi va bien, malgré son grand chagrin, elle aussi. Elle se sent très seule.

Mais nous tenons bon. Tout va bien.


(Publié sur "Marianne a du chagrin", le 3 avril 2020)

Commentaires

  1. Chère Marianne,
    Moi-aussi, je n'arrive pas à réaliser et j'ai besoin de percevoir Ophélie telle que je la connaissais à travers notre complicité d'écrivaines farfelues aimant plaisanter ensemble. Je la sens présente, et elle doit bien être là avec Gaëlle et toi, partageant votre étreinte, et consolant votre chagrin abyssal devant l'Absurde, seul mot qui explique cet accident qui me donne envie de hurler avec cette histoire de portable que j'ignorais au début. Ophélie est penchée sur ton épaule : ne la sens-tu pas?

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  2. Oui, je la sens, avec nous. C'est une impression très curieuse...

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  3. Tu sais, Marianne, quand j'écris sur mon blog, je pense souvent à elle. J'ai d'ailleurs une idée cocasse en entendant Dany Laferrière parler de son épée d'académicien, l'idée de demander à Ophélie comment serait son épée d'académicienne... Ses écrits m'habitent pour une partie d'entre eux et je les évoque quand ils entrent en résonance avec moi...Nous échangions beaucoup au sujet de nos articles, et parfois en écho de l'article de l'une ou de l'autre. Ophélie aimait jouer et moi-aussi. Ophélie ne jugeait pas : elle écoutait chacun sans a priori... Oui, elle est avec nous.

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    1. Merci Elisabeth, ce que tu écris est très beau et me touche beaucoup. Je t'embrasse.

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  4. C'est vrai, comme le dit Phil, on a l'impression de se répéter,
    mais c'est aussi vrai, qu'Ophélie nous manque.
    Plus qu'à vous, sans doute, puisque nous, on ne faisait que la lire, (agréablement)
    et avions un rapport moins intime que le votre.
    Je rajoute, comme elle était sincère et généreuse, que,
    enfin, c'est mon cas, j'en avais fait une très belle image de cette très belle personne.
    Je regrette une chose, de ne l'avoir pas rencontrée, d'une façon amicale, bien sûr,
    autour d'un verre sur une terrasse du Finistère Sud.

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    1. Malgré des rapports plus intimes, elle nous manque aussi beaucoup, tu sais, Gil.

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    2. Oui, bien sûr, Ophélie, je me suis mal exprimé.
      Il faut comprendre, qu'elle vous manque,
      plus à vous, qui aviez, un réel contact avec elle,
      de l'intimité amoureuse.
      Ca doit être un grand vide, pour vous.
      D'autant plus que vous vivez toujours dans la même maison,
      où les souvenirs doivent être nombreux.
      Chaque pièce, chaque meuble, chaque vêtement, chaque saison....
      Ca doit être terrible.
      Mais comme tu dis, heureusement q'il y a encore de l'amour et du sexe,
      qui subsistent entre ces murs, non pas pour l'oublier, mais au contraire,
      pour lui faire honneur.

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    3. C'est vrai. Heureusement, nous continuons de vivre dans son rêve, un rêve fait de jolies formes féminines, un rêve rempli de seins, de chattes, de fesses et de longues chevelures. C'est très agréable et ça aide à oublier sa mort.

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