Le feu

 


De nouveau, je trempai ma brosse dans le pot de vermillon et, agenouillée, retournai vers le pubis d’Ariane. Une idée, subitement, me traversa l’esprit. Le feu. Oui, de grandes flammes. A partir des poils, je remontai mon pinceau sur son bas-ventre en opérant une sorte de volute. Je recommençai une autre fois, puis encore une autre, et une autre, en effectuant des tracés de formes et de longueurs différentes, qui s’arrêtaient juste au-dessous des seins. Ariane comprit immédiatement mon intention.

— C’est du feu? demanda-t-elle.

— Oui, tu as le feu au cul, répondis-je, en nourrissant chacun de mes tracés de rouge carmin, de jaune d’or, d’orange et d’ocres divers, afin de donner aux flammes une épaisseur et une incandescence infiniment réaliste.


Bientôt, ce fut un véritable brasier, assez réussi, qui léchait le dessous de ses seins sans en atteindre les pointes. Satisfaite, Ariane reprit sa brosse. Avec un vert plus tendre, elle se remit au travail et repassa à certains endroits de la ligne qu’elle avait déjà tracée, effectua même des ramifications à partir de cette ligne, un peu partout sur mon corps. Puis elle commença à peindre, ici et là, en alternant plusieurs tons de vert, accrochées aux différentes tiges, des feuilles que j’identifiai immédiatement comme étant des feuilles de vigne. Elle en réalisa partout, sur mes jambes, sur mes cuisses, sur mes fesses, mon dos, mon ventre, mes seins, mes épaules, mes bras…

— Tu es la vigne, clama-t-elle, tu es la vigne, je te veux dionysiaque!


Au moment, où, à mon tour, je m’apprêtai à reprendre ma brosse, un grondement, au loin, se fit entendre. C’était sans aucun doute le tonnerre. Le ciel obscurci était comme une grosse mouche à merde, mais notre excitation du moment ne nous fit guère y prêter attention. Soucieuse de ne pas abîmer la décoration que je portai sur moi-même, je m’agenouillai de nouveau, et demandai à Ariane qu’elle me présentât son derrière. Puis, gorgeant encore ma brosse de vermillon, je lui ordonnai d’écarter les jambes. Le passage s’ouvrit. Je lui barbouillai le pourtour des grandes lèvres, et le dessous des fesses.

— Le feu passe aussi par là, expliquai-je, en guise de commentaire, il remonte par derrière, il te lèche les fesses!


Ainsi qu’elle me l’avait fait, je passai ma brosse dans sa raie, prenant bien soin d’écarter l’un après l’autre chacun de ses globes, afin de l’enduire parfaitement de peinture, ce qui la fit couiner. Ainsi, comme sur le devant, je réalisai d’autres grandes flammes qui couvrirent complètement son fessier et qu’avec une formidable excitation, je fis remonter jusqu’à la moitié de son dos. Puis, longuement, reprenant à nouveau son tour, elle se remit à peindre, entre les feuilles de vigne, de grosses grappes de raisin rouge. A la fin, de plus en plus excitées, et ne pouvant plus attendre notre tour, piaffantes, nous peignîmes mutuellement l’une sur l’autre. Comme pour expliquer le feu qui s’était emparé de son bas-ventre, j’eus à cœur de représenter les lèvres rouges et sensuelles d’une bouche que je disposai un peu partout sur les parties de son corps que je n’avais pas encore peintes, c’est-à-dire sur ses seins, sur ses joues, dans le haut de son dos, sur ses cuisses et ses jambes. Tandis que nous terminions de nous décorer le visage, surtout le pourtour des yeux, de grosses gouttes commencèrent à dégringoler. Heureusement, l’œuvre était presque achevée. Nous nous éloignâmes de quelques pas l’une de l’autre, afin de nous contempler. L’effet était saisissant, extraordinaire, hallucinant. Je pris soudain conscience d’être complètement couverte de peinture, habillée par elle, mais surtout de m’en être mis plein les doigts.

— "J’exerce un métier sale et difficile: la peinture" a dit Van Gogh à son frère Théo! lança Ariane en regardant ses doigts aussi maculés que les miens.


Ophélie Conan

("Entre chiennes et louves 3)


Commentaires

  1. Merci Marianne pour ce témoignage dont tu m'as parlé sur mon blog.
    Je ne savais pas (je n'ai pas du lire "Entre chiennes et louves 3") qu'Ophélie
    s'était essayée au body-painting.
    C'est une coïncidence le fait que j'ai écrit sur ce sujet.
    Je sais qu'elle t'a initiée à partager cette art.
    Je ne connais pas les sensations et les ressentis d'un parcours
    d'un pinceau, d'une bosse enduite de peinture sur la peau.
    Peut-être que tu pourras nous en parler dans un prochain texte.
    En tous les cas, Ophélie avait l'air d'en apprécier les effets,
    ainsi qu'Ariane.

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    1. Ariane est un personnage de fiction. Ophélie se sert ici d'une narratrice, elle-même personnage de fiction, Stéphanie, pour décrire, à la fin de "Entre chiennes et louves 3", une séance un peu folle de body-painting. Bien sûr, Ophélie se sert de sa propre expérience pour décrire ses sensations. Elle m'a initiée à la chose, mais bien plus tard que l'écriture de ce roman en trois tomes. Je ne sais pas si je serais capable de décrire ces sensations...

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  2. C'est fascinant et je vivais chaque coup de pinceau avec passion, m'attendant à un corps à corps final et la conclusion est plus drôle parce que cocasse et artistique, tout en laissant penser à mon mélange final des couleurs en joyeux barbouillage au goût imprévu...

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    1. Le joyeux barbouillage, c'est ce qui se passera avec l'orage!

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