Ce réveillon
Finalement, ce réveillon du nouvel an s'est merveilleusement bien passé. Au commencement était la terrine de chevreuil. Excellente. D'ailleurs, Marianne s'est régalée. Avec Yann et Joséphine, rires assurés. Faut dire que ce sont de bons vivants, et que Rose, en pareille situation est intarissable et drôle. Nos voisins sont partis assez tard dans la nuit, plutôt éméchés, mais comme ils n'avaient pas à aller bien loin, y avait pas grand risque qu'ils attrapent un accident sur la route. Yann nous a raconté des histoires sur son métier de pêcheur, quand il travaillait sur les chalutiers, et sur les gens du village, mais aussi sur ce qu'on disait de nous dans le village. Évidemment, on dit que nous sommes des gouines, tout le monde le sait, mais ça passe très bien, paraît-il, les gens nous trouvent même sympathiques "parce qu'on ne fait pas d'excentricités" (s'ils savaient!)
Marianne va mieux. Déjà, durant la journée du lundi, elle est redevenue celle qu'elle a toujours été, de bonne humeur et souriante. Marianne est une fille hypersensible. Des fois je me demande si elle n'a pas des dons d'hyperesthésie comme on dit. Elle se pose toujours des tas de questions incroyables, mémorise une foule de détails, anticipe, devine... C'est assez fantastique! Et tout ça, en finesse, sans un mot plus haut que l'autre. Parfois, elle me dit qu'elle voit les mots en couleurs, les chiffres en relief dans sa tête, qu'elle écoute avec sa peau. C'est bizarre, non? Des fois, elle me rappelle Apolline, ma défunte Apolline. Comme elle, elle est souvent méfiante, mais l'exprime très peu, il faut la deviner. Comme elle, elle a un besoin intense d'affection, d'encouragements, de chaleur humaine, de câlins. Souvent, elle ne sait pas relativiser les choses, elle s'embarque dans de véritables usines à gaz et, ensuite, a besoin d'être rassurée. Elle a un sens extraordinaire pour deviner l'état émotionnel de quelqu'un ou pour s'imprégner de ses émotions. Son mode de pensée est curieux. Elle fonctionne comme un vibromasseur qui vibromasse et qui erre sur des tas d'étagères sans jamais entrer dans la masse, mais qui finit quand même par arriver au résultat. Comment? Mystère de la spectrographie de masse!
Marianne a beaucoup de doutes sur sa valeur, elle manque de confiance en soi, mais pourtant, elle est tenace. Sa mémoire est toujours très sélective, son sommeil entrecoupé de réveils, ses nuits souvent agitées, ses rêves compliqués, avec parfois d'horribles cauchemars. Mais, Ô Marianne, ma Marianne, je t'aime! Je t'adore! Tu es mon amour! Ta personnalité est unique et originale. Je sais que tu te sens incomprise depuis ton enfance, que tu as toujours tendance à te dévaloriser, que tu crains le rejet, et que, comme moi, tu t'échappes facilement dans le rêve, que tu n'es jamais arrogante et que tu ne sais pas dire non. C'est d'ailleurs pour ça, je pense, que tu aimes les jeux de domination dans lesquels tu affectionnes la position de soumise.
Marianne a soif d'absolu, elle a des idées très précises de ce que doit être la justice, la franchise, l'amitié, l'harmonie des couleurs, la loyauté, l'honnêteté, la cruauté, l'amour. Et Marianne a raison. Elle estime que son système de valeurs est le seul bon, mais elle ne l'impose jamais, mais n'en fait toujours qu'à sa tête, ce qui lui vaut, parfois, quelques difficultés de relations avec les plus proches de ses proches.
Au contraire, Rose est une fille plus carrée, plus fonceuse, qui aime fabriquer, piocher, bêcher, se lancer, conduire vite, décider vite. Ses sens sont moins développés que ceux de Marianne. Elle ne perçoit pas les détails, et beaucoup de choses lui échappent, parce qu'elle fonce. Elle se satisfait assez bien de ce qu'elle a et n'est pas très exigeante, sauf quand elle joue à la maîtresse. Jamais elle ne se laisse distraire par son environnement, elle sait s'isoler dans un brouhaha, aime les ambiances, même fades et superficielles. Même si elle n'a pas beaucoup fait d'études, Rose pense toujours de manière logique, déductive, argumentée, étape par étape, sans utiliser son intuition, et sans s'éparpiller dans le détail et l'anecdote.
Ses besoins affectifs sont assez faibles, elle se contente de relations de surface, du moment qu'elles existent. Elle ne déteste pas parler de choses banales et anodines, ni échanger des lieux communs, ni partager des idées consensuelles, rien que pour le plaisir de bavarder et d'être ensemble. Elle aime les fêtes, les groupes, les foules, elle aime s'amuser et se distraire en faisant la chenille ou en dansant la danse des canards (ce que nous n'avons pas fait au réveillon). Elle n'éprouve nul besoin d'élever le débat et de refaire le monde, elle se méfie des idées originales, et surtout elle n'aime pas s'introspecter. Ça la gave comme elle dit.
Elle aime bien critiquer les autres, surtout ceux qui sont hors-normes. Pourtant, elle aussi est hors-normes, en étant lesbienne, en ayant fait de la prison pour avoir commanditer l'incendie de la voiture de son ex-bien-aimée, mais elle n'en a pas conscience, elle est comme ça. Pour elle, critiquer n'est pas rejeter, c'est avoir un sujet de conversation. C'est fou ce qu'elle aime commenter les faits et gestes de son entourage, parler de certaines évidences de son environnement. Rose, tu ne détestes pas les commérages, reconnais-le. Tu es individualiste, assez égocentrique, pas vraiment partageuse, et tu te comportes parfois de manière très mesquine. Tu aimes te différencier, te comparer, pour voir si tu as plus ou moins. En matière de nichons, tu n'insistes plus, Marianne et moi, nous avons le dernier mot, nous en avons plus que toi! Pour Marianne, en avoir plus ou en avoir moins, c'est pas bien grave, elle s'en fiche, elle a tendance à vivre dans l'indifférenciation: l'autre est une partie de soi. Toi, Rose, tu mets des limites et des clôtures, tu as toujours tendance à créer des catégories et à y caser les gens.
Ton système de valeur est moins extrémiste que celui de Marianne, beaucoup plus approximatif, beaucoup plus souple. D'ailleurs, tu es peu sensible à l'injustice. Tu te rebelles, mais seulement si on touche à ton égo. Une injustice ne t'émeut pas vraiment. Les femmes battues, les femmes violées, les femmes excisées, tu t'en fous. Tu es souvent fataliste, c'est comme ça, dis-tu. Que veux-tu? Que veux-tu? Eh oui. Tu évites bien souvent les conflits et tu n'aimes pas faire des vagues. Tu aimes la tranquillité, l'ordre, l'apparence. C'est pour ça que jouer à la maîtresse avec nous deux, ça te plaît. Dans ces jeux, tu n'y vois pas vraiment d'aventures, tu n'y vois aucun risque, puisque tu domines, tu as le beau rôle. En fait, tu as peur, comme tu a toujours eu peur de sortir à poil, dehors, la nuit, sous un manteau, pour faire du léche-vitrines en ville ou du lèche autre chose!
Tu es peu portée à l'autocritique, tu as spontanément tendance à accuser les autres, et tu n'éprouves guère le besoin de t'améliorer. Tu t'en fous. C'est à prendre ou à laisser, mais je t'aime bien quand même, ma Rose. Tu es irremplaçable. Souvent tu dis: pas vu, pas pris, et si tu es prise, tu sauves toujours la face en te justifiant avec une incroyable mauvaise foi! Tu n'as jamais tort. Marianne et moi, nous admirons la confiance que tu as en toi. Tu vis sur des certitudes totalement inébranlables, même si tu aimes qu'on te branle.
Voilà. Je ne sais pas ce qui m'a pris d'écrire tout ça sur vous deux, surtout un soir de 1er janvier, alors que je suis fatiguée, après une nuit où nous nous sommes couchées très tard, mais il fallait que je le fasse.
Et moi, dans tout ça? Eh bien, je pense que j'ai de vous deux. Je suis Marianne et je suis Rose.
Après le départ de Yann et Joséphine, nous avons fait l'amour à quatre. Vaudrait mieux dire que toutes les trois, nous avons fait l'amour à Sandrine. La belle était très entourée. Elle nous a dit que nous étions les Trois Grâces. Ouais. Mais un peu garces quand même!
Ophélie Conan
2 janvier 2013 (Conan la barbare I)
"Un papillon qui fait de l'effet"
Et bien voilà deux portraits détaillés de vous les filles.
RépondreSupprimerOphélie connaissait bien son Monde.
Les caractères sont très différents, mais, ont un point commun,
je suis sûr que vous êtes de belles personnes.
Marianne, je savais ça de toi, mais ignorais les détails énumérés.
En ce qui te concerne, il n'y a que ton manque d'assurance qui te fait défaut.
Ensuite, heuuu... comment dire ?....Ça ne m'étonne pas que je me sens tout chose
quand je te lis, puisque tu fonctionnes comme un vibromasseur.
Je comprends maintenant, tout l'effet que tu me fais...et gemssa.
PS: Es - tu d'accord avec Ophélie sur ce qu'elle pensait de toi ?
Et toi, si tu devais décrire Ophélie, que dirais-tu d'elle ?
Oui, je suis d'accord avec ce qu'écrivait à l'époque Ophélie, mais tout cela est moins vrai aujourd'hui, je suis plus sereine. J'ai davantage confiance en moi. En plus, je me sens un rôle de protectrice et d'initiatrice auprès de Gaëlle et d'Honorine qui attendent beaucoup de moi et me font particulièrement confiance.
SupprimerSi je devais écrire sur Ophélie, je crois que je reprendrais ce qu'elle avait écrit sur elle-même dans "Maîtresse et barbare". C'était très juste!
Marianne, c'est toi Ophélie maintenant, avec tout le bon qu'elle t'a transmis.
Supprimer(tu l'avais déjà en ta personne tout ce bon et ce bien, c'est dur à expliquer)
Quelque part, elle dit qu'elle est un mélange de ses amantes.
Tu es elle, maintenant, en son honneur.
Pardon, pour ce que je vais dire, mais j'ai l'impression que tu es sa réincarnation.
Depuis que je te connais, j'ai l'impression de converser avec elle, ou l'inverse. Je conversais avec Marianne du temps d'Ophélie.
Tu es son double.
Prends le de façon positive, Marianne.
Je le prends de façon positive, cela me fait même plaisir, mais je n'ai pas son talent!
SupprimerEt bien, voilà. Tu perds la confiance en toi, comme le disait Ophélie.
SupprimerMais SI ! Tu l'as ce talent, Marianne.
Si tu le dis!
SupprimerAssurément.
SupprimerJ'aime beaucoup ces portraits écrits par Ophélie. Je ne suis pas étonnée que tu vois les mots en couleur et les chiffres en relief, Marianne : tu as une sensibilité d'artiste. La confiance en soi s'acquière mais il faut du temps. Je n'avais aucune confiance en moi et me sens plus libre actuellement. Ophélie souligne ton intégrité, une adéquation avec tes valeurs, tandis que Rose pyromane fonce partout, renonçant à se poser trop de questions, notamment sur les femmes violées ou excisées. Il est vrai qu'il est difficile d'agir contre ces fléaux. Vous étiez un très beau trio non excentrique ( là, j'ai bien ri ) et Sandrine reste mystérieuse, Ophélie ne la décrivant pas. Passer le réveillon avec vos voisins est une idée très chaleureuse : je vous sens habitantes de votre bourg.
RépondreSupprimerCe temps est révolu, Elisabeth, c'était il y a 8 ans! Oui, nous formions un beau trio, mais celui d'aujourd'hui me plaît aussi beaucoup!
SupprimerOphélie vous a-t-elle montré ce texte le jour-même ou étaient-ce des réflexions personnelles, "secrètes" et découvertes plus tard ?
RépondreSupprimerLa description qu'elle fait de toi est très belle et ne m'étonne pas. Ce sont des choses que l'on ressent au travers de tes écrits.
Autrement et comme je l'ai déjà dit à Gil, je ne reçois plus les notifications de Blogspot (je lui ai dit qu'on devrait dire "Bugspot"). Voilà pourquoi j'ai découvert ton article que maintenant.
Il faut que je pense à consulter ton blog régulièrement pour ne pas louper tes publications...
Je t'embrasse et te souhaite une belle soirée.
Oui, Rose et moi, connaissions ce texte, car Ophélie nous l'avait fait lire, avant de le publier dans son blog "Conan la barbare I", en 2013. Nous étions d'accord pour la publication et d'accord sur le contenu.
SupprimerPour ce qui concerne le bug de "bugspot", je pense avoir remis en place ton adresse email. J'espère que ça va marcher de nouveau.
Bise et bonne soirée également.