La solitude
"Multiplicité. Nous ne sommes pas simples, ni doubles, ni triples : nous sommes une infinité de gens. Je ne parle pas ici des personnages que nous jouons vis-à-vis du monde et selon les exigences de notre vie quotidienne, car nous ne sommes pas ces personnages ou nous le sommes imparfaitement : nous avons des masques que nous mettons et ôtons pour adapter notre visage à l’esprit de celui qui nous entretient. Un homme bien élevé dispose d’un très grand nombre de masques et il s’en sert avec d’autant plus de facilité qu’il a de science du monde. Un homme médiocrement élevé dispose d’un assez petit nombre de masques et n’en use que maladroitement : celui-là ne sait pas dissimuler son vrai caractère et le mettre en accord de la personne avec qui il parle. […] L’homme mal élevé s’expose aux regards de tous dans un état de nudité morale ; il présente au monde un seul visage qui est le sien et qu’il ne sait pas masquer. […] Les personnages que nous sommes vraiment naissent de notre solitude. Plus notre vie est profonde, et plus leur nombre est grand. Une vie dans laquelle il n’y a pas de solitude est une vie sans force et sans intérêt. En somme, la solitude est le lieu le moins solitaire qui soit."
Julien Green (journal, 25 mars 1920)
Je reconnais bien Julien Green entre les masques qu'il sut adopter et ceux qu'il donna à ses héros et héroïnes de romans ainsi que son désir d'être presque découvert tel qu'il était, notamment par son regard mais pas seulement, ses charmantes attitudes en apparence contradictoires... Et ceci me fait songer à un article d'Ophélie nous présentant son autre visage, celui de son métier dans l'immobilier. Il me semble que Julien Green écrivait que le fond de son oeuvre venait de son enfance, de ses émois d'enfant....
RépondreSupprimerOui, le moteur est sans doute l'enfance, et peut-être aussi notre futur imprévisible.
SupprimerCertes, et dans doute peut-être un futur imprévisible mais l'auteur se trahit dans ses romans et il le reconnait ultérieurement. Il se pourrait que ce tableau s'il vient du Journal ou d'un écrit de Julien Green soit une femme ( la première héroïne fut Adrienne Mesurat devant " le cimetière ", ensemble de portraits de famille dans l'appartement des Green ). Je ne sais si tu as la nouvelle édition du Journal, le premier tome du Journal intégral étant sorti, il y a peu de temps. En dehors de détails sur la vie privée de l'auteur, il y a aussi des éléments concernant des écrivains, voire d'autres personnes célèbres. Je n'ai lu que des extraits de ce premier tome parus dans Le Point. Je crois que c'est l'éditeur Laffont qui le publie... J'ai lu quelques parties du Journal sous son ancienne forme. J''en suis au deuxième tome de la trilogie du Sud.... ( je n'évoque pas la pièce de théâtre ). Je lirai les trois tomes avant " Adrienne Mesurat " et j'ai lu " Chaque homme dans sa nuit " et " Sud " en pièce de théâtre. Le deuxième roman est Mont-Cinère qu'il me faudra dénicher... )
SupprimerLa solitude (même au milieu des gens), révélatrice de ce que nous sommes...
RépondreSupprimerJe pense, je parle de moi, que je n'ai pas de masques (à part ceux qu'on nous impose actuellement, avec cette crise sanitaire). Il suffit d'être sincère et soi-même.
Julien Green, et c'est l'époque (1920) qui veut ça, (j'espère qu'on a évolué, côté parité, quoique, quoique...par pour tous, a tendance à mettre tout le monde dans le même panier,
et parle de l'homme, comme si la femme n'existait pas, car l'homme, pour lui, résume toute la planète.
C'est vrai que beaucoup d'entre nous portent les masques dont il parle,
C'est juste mon point de vue.
mais, je peux vous dire que certaines femmes aussi.
Gil, est-on vraiment sûr d'être toujours "sincère et soi-même"? Cela ne pourrait-il être parfois une illusion?
Supprimer" Gemssa ) ou Gil ( semble-t-il ), Julien Green avait beaucoup de soeurs et elles apparaissent dans ses romans. Il savait aussi ce que vivait deux femmes ensemble... Je crois qu'il parle surtout de lui-même dans ce passage.
Supprimer@Marianne.
SupprimerJe pense être, oui, toujours sincère....et d'ailleurs, ça me joue des tours, quelque fois, dans la vie de tous les jours.
Je me demande si je ne ferais pas mieux de mettre , des fois, des masques...mais je n'y arrive pas...
@Elizabeth.
Gemssa, Gil, c'est le même oui, qu'importe, ça me va, l'un ou l'autre.
Pour tout te dire, je ne connais pas l'oeuvre de J Green. Dans ce texte, c'est le ressenti que j'ai eu, ni plus, ni moins...et je crois, dans la réponse que j'ai eue, je défends la femme...
Pour celles que ceci intéresse, j'évoque les femmes chez Julien Green sur mon blog.
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