Avec Polly

J'avais décidé de l'appeler Polly. Ma proposition sembla la séduire et, à ma grande surprise, elle y réagit avec joie. Au retour, tandis que nous rangions nos courses dans les placards, Polly eut soudain un flash. Elle s’exclama:

— Cette nuit, j'ai fait un rêve, je m'en souviens très bien!

— Raconte!

— C'était un rêve étrange, j'me trouvais au bord de la mer sur le haut d'une falaise, tout près du précipice... Y avait de l'herbe tout autour de moi, une belle herbe haute que je coupais avec une serpe ou une faucille. Un peu plus, loin, en contrebas, je voyais des hommes qui descendaient dans une fente, le long de la falaise, puis dans un boyau. Ça avait l'air facile. J'ai voulu faire comme eux, parce que ça me paraissait vraiment super de faire ça. J'ai essayé, mais je n'y suis pas parvenue. Rien à faire, ça m'était vraiment impossible, c'était trop dur pour moi! Envieuse, je les regardais faire, et je restais là, comme une conne, en haut, à couper mon herbe…


Un instant, Polly me regarda, silencieuse, presque frileuse.

— Qu'est-ce que ça veut dire? Tu sais toi?

— Non, j'sais pas, ma belle. Faire comme les hommes qui descendent dans une fente, puis dans un boyau, à mon avis, ça doit signifier: "faire l'amour avec une femme comme un homme". Donc, peut-être pénétrer une femme…

— Tu as raison, je n'y avais pas pensé, ça veut donc dire que j'ai envie de…


Elle se mit à rire. C'est vrai, c'était clair. Comment n'y avait-elle pas pensé elle-même?

— Et couper l'herbe en haut de la falaise, ajoutai-je, c'est tondre la pelouse! Etre de la pelouse, faire la frotteuse!


Surprise du contenu de son rêve, Polly me regarda souriante, l'air béat.

— C'est marrant les rêves! dit-elle, en désignant du doigt deux objets. Qu'est-ce que c’est?

— Ça? Un vide-pomme!

— C'est pour vider les pommes?

— Bien sûr!

— Et ça?

— Une videlle!

— A quoi ça sert?

— A dénoyauter les fruits! Tu t'en es jamais servi?

— Non!


Nous terminâmes de ranger nos affaires et immédiatement repartîmes du côté du boulevard Haussmann faire d'autres emplettes, car j'avais à cœur que notre soirée fût parfaitement réussie. Quand nous revînmes, nous déballâmes nos grands sacs. Il y avait deux paires de sandales à talon aiguille, deux serre-tailles et plusieurs paires de bas. Du Cervin du Triumph, s'il vous plaît!

— Si nous allions jeter un petit coup d'œil dans ma garde-robe, dis-je à Polly, histoire de voir ce qui pourrait te convenir ce soir! Déshabille-toi!


Apolline retira tous ses vêtements et m'apparut entièrement nue. Divine architecture! Sans aucune gêne, elle me précéda à l'étage, ce qui me permit, dans l'escalier, d'admirer le galbe parfait de ses deux petites fesses coquines.

— Regardons dans cette armoire, proposai-je.


Je sortis une robe entièrement boutonnée sur le devant qu'elle enfila sur-le-champ, mais, visiblement, elle ne lui allait pas. J'en sortis une seconde, puis une autre, et encore une autre.

— Celle-ci n'a pas l'air mal du tout, tu veux bien l’essayer?


Boutonnée, la petite robe ne laissait strictement rien apparaître. C'était une robe noire en soie. Dedans, Apolline avait l'air d'une sage et parfaite petite étudiante.

— Qu'en dis-tu?

— Elle me va très bien!

— Dans ce cas, c'est bon, tu la mettras ce soir!

— Avec rien dessous?

— Avec rien dessous! Comme en ce moment!

— Hou! Ça fait peur!

— Tu vas voir, c'est une peur excitante! Nous quitterons l'immeuble vers minuit, comme dans les contes de fée!


L'heure était venue de préparer le repas. Je me dirigeai vers la cuisine, mais, dans le salon, ne voulant laisser Apolline seule dans la tenue d'Eve, je me déshabillai à mon tour. Ensemble, nous confectionnâmes un substantiel dîner. Comme j'avais envie de bouchées à la reine en entrée et que j'avais acheté des croûtes pour les réaliser, il ne nous restait plus qu'à confectionner la garniture avec de la quenelle de veau, du ris d'amourette et des olives. Quand j'eus préparé la sauce financière avec un roux blond mouillé avec du bouillon de volaille, je m'en garnis un peu les pointes de seins et demandai à Apolline de venir me les lécher, ce qu'elle fit en se délectant. Cela sembla la mettre en appétit. Ensuite, je remplis les croûtes de garniture et décorai le tout d'une moule avant de mettre au four.


Pour profiter au mieux de notre aventure nocturne, nous voulions que notre repas fût assez léger, c'est pourquoi, plutôt qu'une viande, nous préparâmes une dorade à la bourgeoise. Il suffisait de mettre la dorade dans un plat à gratin garni d'échalotes hachées et étuvées au beurre, avec, tout autour, des champignons. Apolline mouilla de vin blanc, sala, poivra, saupoudra de persil haché, tandis que je parsemai le tout de petites noisettes de beurre. Nous déposâmes le plat dans le second four et, à tour de rôle, arrosâmes la dorade de vin blanc. Celle qui tenait la bouteille, en même temps, se faisait lécher la moule par l'autre, à quatre pattes sur le carrelage de la cuisine. C'est Polly qui avait eu cette idée géniale et délicieuse.


Malgré le temps que nous prenaient ces jeux érotiques enfantins et l'état d'excitation dans lequel ils nous laissaient, nous eûmes le loisir de préparer un assortiment de fromages et une jolie table décorée. Pour le dessert, nous nous contentâmes d'un gâteau à l'orange acheté dans la supérette et, vers vingt heures environ, nous passâmes à table.


Evidemment, nous restâmes nues. Durant le dîner, nous recommençâmes à nous enduire le bout des seins de sauce, chacune venant sucer l'autre. Ce jeu obscène nous excita bien et il nous fut difficile d'y mettre fin. Au moment de manger le gâteau à l'orange, je ne sais laquelle des deux eut l'idée de se mettre de la confiture d'orange sur le clitoris et de la faire lécher par l'autre. Nous le fîmes chacune à notre tour. C'était délicieux et délicieusement pervers. Nous étions devenues totalement folles et j'avais beaucoup de plaisir à m'adonner à ces choses, qui, avec un homme, m'auraient probablement dégoûtée.

— T'as de belles lèvres rouges, lui dis-je à la fin, elles sont charnues et sensuelles, ta bouche est une belle pêche ou un gros abricot qui donne envie de la mordre. Ta vulve aussi est belle. Elle est rose comme celle d'une adolescente.


Notre repas avalé, nous eûmes tout le temps de la soirée, avant notre départ, prévu à minuit, pour nous consacrer à notre préparation. Désireuses de nous faire belles, nous prîmes un bain et procédâmes, ensemble, à la lente métamorphose de simples mortelles que nous étions, en créatures de rêves, en poupées de chair diaboliques et nocturnes, pourvoyeuses des fantasmes les plus fous... Action sacrée du maquillage et du masque. Eloge du corps, ce second univers, qui fait l'esprit. Toute cette préparation, très longue, amusa beaucoup mon amie. Nous nous donnâmes des conseils réciproques sur la manière de nous farder les yeux, les lèvres, le bout des seins, mais également sur le choix de tel ou tel porte-jarretelles, serre-taille, pendentif, collier ou paire de bas. Nous poussâmes nos exigences jusqu'à vérifier la parfaite délimitation de nos petits triangles. Ainsi, tour à tour, chacune s'agenouilla devant l'autre, un rasoir dans une main et une paire de ciseaux dans l'autre, pour enlever les poils superflus et disgracieux. Comme j'étais en train de passer la lame du rasoir tout près des lèvres de son sexe, Polly me demanda:

— Tu t'es déjà complètement rasée?

— Jamais, répondis-je, quelle horreur! J'adore ma petite forêt équatoriale! Et toi?

— Moi non plus, mais parfois, ça me tente! Tu sais que ça devient la mode?

  Oui, je sais…

— Peut-être qu'un jour je le ferai, pour me punir, quand je sens le corps de ma mère qui m'oppresse et me comprime. Des fois, je me sens si oppressée... C'est comme si un étau se refermait sur moi. Heureusement, tu n'es pas cet étau, mon amour…


Ophélie Conan (extrait de "le saut de l'ange 3"


Polly, la première amante d'Ophélie, avant Emma, avant Amélie, avant moi...

Commentaires

  1. La chute sur la mère qui m'oppresse et me comprime est désopilante!!! Quant au rêve, c'est bizarre, mais j'ai deviné... J'ignore si Ophélie a tenté le miel et la crème fouettée utilisés dans un article d'une revue porno d'antan au Mali qui me fit beaucoup rire car il ne faut pas de gazon avec le miel donc peut-être une mère incestueuse....

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    1. Je n'ai évidemment pas connu cette Polly (Apolline).
      D'après ce que j'ai lu du "Saut de l'ange", et ce que m'en a dit Ophélie, elle était très bizarre. Mais chacun de nous n'est-il pas très bizarre aux yeux des autres?
      Si si, avec Ophélie nous avons beaucoup joué avec le miel et la crème Chantilly! C'est super!

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    2. Marianne, il faudra que tu nous racontes vos jeux avec le miel et la crème Chantilly! L'article d'Ophélie est plein de jeux de mots croustillants! Je crois qu'il nous arrive d'être bizarre même à nos yeux! A propos, as-tu vu une photographie de Léon Bloy avec ses yeux globuleux? Il serait très cocasse à côté de la machine des amazones que Polly n'a pas connue mais Polly et femelle du poulain me semblent aller ensemble...

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    3. Oh, pour les jeux de crème Chantilly et de miel, nous les avons souvent pratiqués! C'est Ophélie qui m'a initiée à ces jeux. Avec Honorine et Gaëlle, nous continuons! Oui, je pourrais raconter...
      Bien sûr, j'ai vu des photos de Léon Bloy avec ses yeux globuleux et ses grosses moustaches. Il fait peur, cet homme! Et aussi quel regard!
      S'il devait être à côté de la machine des Amazones, la situation serait sûrement cocasse, mais sa présence nous couperait certainement l'envie de nous faire tringler! Je n'ose pas y penser! Brrrr!

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  2. Ophélie a su traduire le rêve de Polly,
    vers l'amour saphique, et comme chacun sait,
    tout rêve veut dire quelque chose.
    Et tout était crédible dans celui d'Apolline.
    Ensuite, elle a su nous mettre en appétit,
    même si les hommes n'y sont pas conviés,
    cette soirée était délicieuse.
    J'ai lu ce livre.

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    1. Chez Polly, le saphisme était en germe et, une fois de plus, Ophélie a su révéler cet imaginaire à Polly, et faire d'elle une belle lesbienne, ainsi qu'elle l'a fait avec moi.

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    2. Elle savait y faire, et vous y amener comme ça, tout naturellement.
      Elle aurait pu aussi surnommer Apolline, "Pollyssonne",
      le meilleur synonyme est coquine.

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