Une nuit, un train


Après avoir roulé durant un bon quart d'heure, j'arrivai à Alençon et parvins sans le moindre incident à stationner ma voiture sur le parking de la gare. Cette gare était moins belle, plus récente que celle de Sées, style années 60-70, mais plus propre, plus moderne, visiblement plus fréquentée. Une violente angoisse m'étreignit lorsque j'aperçus deux types avec des chiens qui discutaient devant des panneaux vitrés, à gauche de la porte d'entrée. J'attendis quelques instants, mais comme ils avaient l'air installés en cet endroit pour un bon moment et que j'étais désireuse de relever rapidement mon défi et de vivre mon rêve, je pris mon courage à deux mains, sortis de mon auto et, sur le bitume, enfilai mon manteau. En m'approchant de l'entrée, les deux types cessèrent leur discussion et me regardèrent avec étonnement et insistance. Ils se mirent à sourire, puis à échanger, en ricanant, des blagues et des propos bruyants dont je ne compris pas le sens. Je continuai d'avancer mais, par instinct de préservation, fermai soigneusement mon manteau en joignant ses deux bords avec mes mains. Heureusement, je n'eus pas à en lâcher un pour entrer, les deux panneaux vitrés de la porte s'étant déjà ouverts automatiquement... 


Dans cette tenue, je traversai hardiment la salle des pas perdus qui n'était guère plus grande que celle de Sées, mais infiniment plus moderne. Au passage, sur ma droite, je remarquai d'abord des fauteuils qui formaient une salle d'attente et, plus loin, le guichet SNCF, évidemment fermé à cette heure plus que tardive. Sur ma gauche, une cabine de photocopie, une autre pour le photomaton et, plus loin, la boutique "Relay", où se vendaient, journaux et revues dans la journée. Sans hésiter, je franchis la porte du fond qui, comme celle de l'entrée, s'ouvrit automatiquement, avec le même bruit caractéristique. Durant cette traversée d'une dizaine de mètres, j'avais croisé quelques regards masculins concupiscents et dégoûtants, mais n'avais pas voulu m'attarder, ni surtout m'en inquiéter. J'avais tout de suite classé, catégorisé: SDF, paumés, déclassés de la société... Bref, ce n'était pas mon problème du moment.


Sur le quai, je constatai immédiatement qu'il y avait quatre voies. Les deux premières conduisaient d'un côté au Mans, de l'autre à Sées. Quant aux deux dernières, c'était sans doute des voies de garage, car un train d'un modèle ancien, une espèce de monstre tranquille, comme un gros ruminant immobile alignant une quinzaine de voitures, s'y trouvait stationné, attendant sans doute son heure pour libérer sa puissance et son énergie. J'avais enfin trouvé un train, et même un vieux train! J'étais à la fête! 


Haletante et formidablement excitée, je perçus rapidement qu'il n'y avait personne sur le quai numéro 1, où je me trouvais, ni non plus sur le numéro 2 où était garé le train. Ainsi, fidèle à mes petites manies, j'écartai mon manteau, rien que pour le plaisir de recommencer à commettre ce qui était pour moi un délicieux délit. Tout en marchant, je caressai mes seins, me délectai de ce contact tendre et doux en ce lieu froid, minéral et métallique, comme si, de l'avoir déjà fait amplement à Sées, n'était pas… assez. Je me rendais compte, dans l'incapacité où j'étais de pouvoir m'arrêter, que j'étais vraiment insatiable. Sur quelques mètres, sous la partie encore couverte de la gare, je les malaxai, les tripotai, martyrisai de nouveau leurs petits bouts, en même temps que la sensation de mal faire, en ce lieu étrangement silencieux, où erraient quelques pauvres humains égarés, sans doute amochés par la vie, m'était tout à la fois horrible et délicieuse... 


Un bruit de pas, quelque part devant moi, m'obligea à cesser. Je refermai précipitamment mon manteau. Un homme moustachu, âgé d'une quarantaine d'années, dont la mine me parut affreusement triste, déboucha devant moi. Je le croisai. L'homme ne me remarqua même pas. Sans me retourner, je continuai d'avancer, sortis de la partie couverte et retrouvai le ciel nocturne, la lune fidèle au rendez-vous. Sur ma droite, en renfoncement, je remarquai des toilettes éclairées. Hommes. Femmes. L'envie de pisser se déclara soudain. J'entrai aussitôt chez les hommes. 


Quand je sortis des toilettes, je revins sur mes pas, sous la partie abritée, et franchis la chaîne qui interdisait au public de traverser les voies et de se rendre sur ce quai numéro 2. Longeant le convoi convoité, je remarquai l'absence de tractrice, ce qui me rassura quelque peu. Exaltée par la présence de ce monstre splendide, baroque et magique, j'ouvris une portière et montai dans une voiture. Cela sentait bon la S.N.C.F., un mélange de senteurs indéfinissables où la sueur, la moleskine et le tabac froid dominaient. Tâtonnant comme une aveugle, je parcourus l'étroit corridor et pénétrai dans un compartiment.


Que venais-je donc faire en ce lieu? Je l'ignorais complètement. Pour toute réponse, je laissai choir mon manteau sur une banquette et, entièrement nue, posai mon postérieur sur la froide moleskine du siège, tout près de la fenêtre. Reprenant mes seins à pleines mains, je les broyai de nouveau entre mes doigts. Puis, les abandonnant aussi vite, écartai mes cuisses et, du bout de mon majeur, entre mes lèvres, recommençai à tourmenter mon clitoris. J'aurais pu ainsi continuer à me branler tranquillement, si une véritable frénésie d'exhibition, soudain, ne m'avait saisie. 


Je changeai de compartiment, laissant volontairement mon manteau sur le siège, et avançai dans le corridor, désireuse d'aller loin, très loin, au bout du monde, sans mon manteau. J'entrai dans une autre voiture, puis dans un autre compartiment. Là, telle une ventouse, j'écrasai mon nez, mes seins, mon ventre et mon pubis contre la minérale et glaciale vitre. Dans cette position, je m'imposai d'attendre de longues minutes, espérant et craignant l'apparition de quelqu'un sur le quai. Mais personne ne passa. Seule, la lune me matait. J'aurais voulu me dédoubler, sortir, et, de l'extérieur, observer ce curieux spectacle de moi-même. Qu'aurais-je pu voir? 


Soudain, une masse sombre et gémissante se profila sur ma gauche. Un autre convoi, lentement, venait se ranger tout près de celui dans lequel j'étais montée. Il s'immobilisa, proférant une longue série de plaintes et de soupirs. Dans ses vitres, j'aperçus une chose étonnante: moi, difforme, monstrueuse, ressemblant vaguement à une femme, avec des "plats" sur le nez, les seins, le ventre. Je changeai ma position, collai cette fois mon menton et mes épaules, et avec mes deux mains, remontai mes seins aussi haut que je le pus pour ne pas coller mes tétines sur la vitre. Dans cette position déjà inconfortable, je compliquai les choses, levai une jambe, la repliai pour coller également mon genou. Je m'observai encore et encore. Je ressemblais à une sorte de fœtus monstrueux conservé dans le formol…


Lassée par toutes ces horreurs, je m'affalai à quatre pattes sur la banquette, le cul bien orienté vers la fenêtre. Dans cette position, j'attendis encore de longues minutes, une main entre mes cuisses, me plaisant à penser que quelqu'un pouvait entrer dans le compartiment de l'autre train et me voir. C'était effectivement un risque, mais je voulais ce risque, le trouvais excitant. Au fur et à mesure que les minutes passèrent, ma tête s'écroula sur la moleskine, et mon cul devint le plus haut sommet de ma personne. 


Dans cette étrange posture, je remarquai une boule de papier froissé sous la banquette qui faisait face. Ma curiosité me fit tendre une main. Je saisis la chose informe et me rassis sur le siège, défroissai la boule de papier d'un revers des doigts sur ma cuisse, et tentai de lui rendre sa forme plane primitive. Des mots figuraient sur le papier, difficiles à lire en raison du peu de lumière. 


C'était une écriture alerte, un petit texte griffonné à la hâte qui, sans nul doute, était ce qui restait des notes prises par un étudiant lors d'un cours de physique. Il y était question d'un certain Otto von Guericke, bourgmestre de Magdebourg, sa ville natale, et de son invention, la pompe à vide, en 1647. Ce savant avait entrepris une série d'expériences sur les effets du vide, et constaté que le son ne pouvait s'y propager, que les corps enflammés s'y éteignaient, et que les animaux y mouraient. Puis, il avait mis en évidence l'existence de la pression atmosphérique en effectuant sa célèbre expérience des hémisphères, en 1654. 


Dans un coin du morceau de papier, un nom était inscrit: Vaudelle. C'était peut-être celui de l'étudiant, mais cette histoire d'hémisphères me rappela Palereaud, je veux dire Laurent, vous vous souvenez, cet ancien prof de physique, quand j'étais en terminale à Bordeaux qui, occasionnellement, fut mon amant? 


En cet instant, je le revis me sauter frénétiquement dans les salles de cours vides. Lui aussi nous avait décrit cette fameuse expérience avec force détails, et c'est alors que je revis les deux attelages de quatre chevaux, actionnés en sens contraire, ces chevaux qui ne pouvaient séparer les deux hémisphères en cuivre que von Guericke avaient préalablement accolés en y faisant simplement le vide avec sa fameuse "mechanica hydraulica pneumatica"! C'était formidable! Mais l'image me rappela également ces tortures qu'on infligeait, celle de Ravaillac, l'assassin de Henri IV, écartelé par quatre chevaux…


Toutes ces histoires, tout en ne pouvant décoller mon regard de ma nudité reflétée dans la vitre du train d'en face, c'est-à-dire d'un moi qui n'était pas moi, me firent songer au problème du vide. Le vide créait l'unité. Si Ravaillac avait été plein de vide, son corps n'eût pas été démembré. Comme pour Dieu, le vide posait la question de la représentation de l'irreprésentable. Effacement de la ligne, fin de la forme, disparition du sujet, le vide, tout comme le silence, me semblait pourtant paradoxalement nécessaire à la constitution de l'image, du soi et du Monde. C'était dans cette problématique, que, me semblait-il, pouvait se comprendre le sens véritable de l'art baroque que je ne cessais de vénérer, cet art de la profusion qui, en organisant le trompe-l'œil, faisait paradoxalement le deuil du plein, de Dieu, de l'homme, du sujet, de tout centre. C'était, à qui savait le voir, l'irruption du néant dans l'œuvre. Du vide. C'était la recherche effrénée du vertige conscient, du vertige organisé, du dérèglement savant et calculé! Le plein s'évanouissait sans cesse sous la prise, et réapparaissait, tel Protée, sous une forme nouvelle. Je voulais être cette œuvre multiforme, je voulais organiser mon vertige, vivre dans la prodigalité ornementale, dans la surcharge maniérée et barbare. Je voulais même vivre dans le Rococo…


Un bruit à l'extérieur me fit sursauter.


En un dixième de seconde, je sortis du compartiment, pointai mon nez à la vitre du corridor. J'aperçus deux jeunes types marchant d'un pas débonnaire. Immédiatement, je rappliquai dans le premier compartiment afin d'y récupérer mon manteau et l'enfilai sur-le-champ. En position de guet, complètement paniquée, mais excitée, je songeai que j'étais devenue folle et que, certainement, j'avais pris un risque insensé en m'aventurant seule dans ce convoi. Peut-être que ces types m'avaient suivie et venaient pour me violer? N'étaient-ce pas ceux qui discutaient tout à l'heure devant l'entrée de la gare?


Il n'en fut rien. Ils passèrent tranquillement, en devisant. Visiblement, ils n'étaient pas à ma recherche. Quand je revins coller mon nez contre la vitre, leurs silhouettes disparaissaient à l'extrémité du convoi. J'hésitai à descendre, ne sachant s'ils repasseraient. Finalement, je décidai de sortir du train. 


Sur le quai, encore paniquée, je me mis à marcher d'un pas pressé, sous la lune immense et lumineuse, sans oser me retourner, avec pour seul objectif d'atteindre l'escalier au plus vite. Mais quel escalier? me ravisai-je soudain. Au bas des marches, mon sang se glaça.


— Mademoiselle! Mademoiselle!


Je me retournai. C'étaient les deux types. Ils me suivaient, dévalaient les marches en caracolant.

— Mademoiselle, dit l'un d'eux, vous cherchez quelque chose?


Je m'arrêtai, me retournai, leur fis face. Jeans et blousons de cuir, l'air plutôt sympa, c'étaient deux jeunes mecs, la trentaine. 


Affolée, je cramponnai les deux bords de mon manteau que j'avais eu l'imprudence de ne pas boutonner, les tenant bien fermés sur ma poitrine. Mais je contrôlai mal la large fente, plus bas, sur le devant. Un coup d'oeil furtif du plus grand des deux me rappela cette évidence. La fente me trahissait. Le vide entrait en moi, me remplissait... Je bredouillai:

— Je crois que je me suis trompée!

— Sans doute. Ce train où vous étiez ne part pas avant sept heures du matin! lança le petit.

— Je ne savais pas, répondis-je, faussement honteuse. Je me suis trompée…

— On peut peut-être vous aider? relança le grand, en n'arrêtant pas de mater ma cuisse.

— Merci, merci, répondis-je, essayant de sourire du mieux que je pouvais, c'est pas la peine! Je vais très bien me débrouiller toute seule. Merci!

— J'ai l'impression qu'on vous a fait peur, dit le petit, pourtant... on n'est pas des méchants!

— On peut p't-être vous raccompagner, si vous voulez, i se fait tard!

— Merci, dis-je, encore une fois, plus sèchement, je n'ai besoin de personne!


Brusquement je pivotai. D'un pas décidé, je repris ma marche vers la sortie. En jeunes mâles un peu fous, ils m'escortèrent, exprimant des compliments un peu douteux et grivois sur ma silhouette. Parvenant au but, je m'apprêtai à filer à l'anglaise sans demander mon reste, mais j’entendis:

— Si vous voulez, on vous offre un verre!

— Où ça? A l'hôtel de Normandie? Mais il est fermé à cette heure!

— Non, au buffet de la gare!

— Mais il n'y a pas de buffet dans cette gare! Il y a des hôtels en face de la gare qui font bar dans la journée, le Normandie, le Paris, le Rouen, mais il n'y a pas de buffet à la gare!


Je repris ma marche, pressai davantage le pas.

— C'est vraiment pas sympa, on vous l'offre! C'est notre jour de bonté!


Soudain, bizarre, je me retournai, souriante, acceptai l'invitation. 


Deux minutes plus tard, je me retrouvais assise à une table (dans le buffet de la gare, situé à un endroit que je n'avais pas remarqué en entrant, à gauche de la porte d'entrée), en compagnie des deux inconnus, jambes évidemment bien serrées, bien croisées…


En leur présence, ce que j'avais ressenti, quelques minutes plus tôt comme de la peur, se transforma progressivement en désir. Ma main qui verrouillait le bas de mon manteau, lâcha progressivement sa prise et offrit un spectacle qui ne laissa pas indifférents les deux compères.

— Et bien, dit le grand, sûrement le moins timide des deux, vous aimez les jupes mini!


Un instant interdite, arborant un imperceptible sourire, je répondis:

— C'est pas exactement ça: je les aime si peu que je n'en porte pas!

— C'est vrai? s'exclama l'autre, inquisiteur. Alors, vous portez quoi?


Mon absence de réponse fit planer un énigmatique silence. J'en profitai pour décroiser mes jambes que, lentement, j'écartai, laissant filer légèrement les pans du manteau... 


Ce geste eut naturellement pour effet de découvrir le haut de mes cuisses, en limite de mon sexe. Je vis distinctement leur regard, leur étonnement, tout l'étonnement du monde… Ce regard acheva de me troubler, eux aussi d'ailleurs. J'aimais cette brutale excitation, cette subite accélération du temps, ce formidable séisme que je venais de provoquer. 


Ils restèrent silencieux. Ils me regardaient, essayant de comprendre, de deviner quelles sorte de femme ou de monstre j'étais... 

— Peut-être que vous n'avez pas non plus de petite culotte, hasarda, encore plus inquisiteur, le petit, en se grattant benoîtement le crâne.

— Peut-être, répondis-je, en souriant et en renfermant brusquement mes jambes sous les pans du manteau, vous voulez vraiment le savoir?


Leurs yeux flamboyèrent comme des guignes.

— Je peux tout vous montrer, si vous voulez, murmurai-je en m'approchant d'eux, entraînée dans une espèce de tornade exhibitionniste, mais à une condition: que vous soyez très, très gentils, et que... seulement vous regardiez, et rien d'autre! D’accord?


Les deux compères promirent, réglèrent à toute vitesse les consommations et me suivirent dans un proche parking couvert, sur plusieurs étages, une espèce de tour de Babel que je n'avais non plus remarquée (mais il faut dire que j'étais arrivée de nuit, et que, de plus, je n'étais jamais retournée à Alençon depuis plusieurs années). Ivre de moi-même, je les entraînai dans cette tour. 


Slalomant entre les voitures stationnées, je finis par m'arrêter dans un endroit suffisamment éclairé.

— Et bien, leur annonçai-je, m'adossant à la portière d'une rutilante BMW grise, vous voulez vraiment que je vous montre?


Ils ne répondirent rien, n'attendant rien d'autre que de voir, les yeux tout écarquillés, la bouche ouverte, la langue presque pendante. 


Avec un malin plaisir, je les fis patienter encore, pour mieux les observer, observer leur désir, les mettre à l'épreuve encore et encore. Puis, j'écartai simplement le bas de mon manteau jusqu'à mes poils... 


Cela eut pour effet de les ébahir, de les sidérer. Je me sentais fière et excitée, complètement enivrée, en même temps que pourvue d'une incroyable sensation de tout contrôler... 


Affectant une certaine négligence, voire une vraie nonchalance, soudain j'ouvris le tout, laissai les deux types me mater complètement, tout à leur aise. Pendant de longues minutes, ils se turent, se tenant debout devant moi, côte-à-côte, échangeant leur place de temps à autre, probablement pour varier l'angle de vue.

— Vous êtes une pute? demanda soudain le petit.


Ses petits yeux en amandes, ses cheveux raides et son nez pointu de fouine lui donnaient un air assez dégourdi.

— Non, répondis-je, je fais ça pour mon plaisir, j'adore qu'on me regarde!


Durant de longues minutes, les deux hommes restèrent désespérément muets à me mater.

— Vous êtes rudement bien faite, rajouta le petit, rompant de nouveau le silence.

— Merci, je fais tout pour. C'est un compliment que j'aime. Je vous plais, Messieurs?


Ils acquiescèrent, puis, complètement excités, me suivirent entre les rangées de voitures où je me remis à déambuler comme une louve affamée, simulant une démarche chaloupée de mannequin. Comprenant rapidement mon jeu, ils prirent de l'avance, m'attendirent aux extrémités des travées de voitures avec des yeux de merlans fris. A un moment, terriblement grisée, je décidai d'aller encore plus loin dans l'exhibition. Je me dépouillai complètement de mon manteau. Négligemment, je l'abandonnai sur un capot de Mercedes, et, totalement nue, repris mon ballet infernal, diabolique. 


Fière de mes seins que je m'ingéniai à faire rouler sous leur nez, j'allais, venais, totalement ivre de ma perversité. Soudain, m'arrêtant, je pris toutes sortes de poses plus ou moins lascives, notamment pour bien leur montrer mes fesses que je savais parfaites. Puis, posant celles-ci sur le phare avant droit d'une Citroën, je m'allongeai sur son capot, les jambes écartées au maximum.

— Putain, dit le grand, en se débraguettant, c'est pas possible, j'ai envie de la baiser, cette salope! Tu veux que je te baise, hein, c'est ça que tu veux?

— Non, je veux seulement que vous me regardiez! Souvenez-vous de votre promesse!

— Mais tu nous fais bander à mort, espèce de garce, avec ta chatte d'enfer! dit son copain. C'est pas permis, une salope pareille!


Etalée sur la carrosserie de l'auto, j'étais aux anges, mais la peur commença à poindre dans mon ventre. Je n'aimais guère ce tutoiement. Je réalisai l'immensité de mon inconséquence, compris qu'il ne fallait surtout pas que je perdisse le contrôle de la situation, que je leur montrasse ma peur. Bien au contraire! Je devais rester totalement maîtresse de la situation…


Debout à mes côtés, les deux hommes commencèrent à se branler. En souriant, je les laissais faire. Le plus grand, certainement le moins loquace, mais le plus indiscipliné, vint se placer entre mes jambes. Je le sentis frôler mes lèvres avec sa bite dressée.

— Non, répétai-je doucement, vous m'avez promis! Il n'en est pas question! Je suis mariée!

— Mais t'en meures d'envie, t'es toute trempée!

— C'est mon affaire! Regardez seulement, vous dis-je, poursuivis-je d'une voix faussement calme et sereine, en me branlant à mon tour, n'êtes-vous pas déjà satisfaits de ce que je vous montre?

— Si!

— Vous, vous êtes une vraie salope! conclut le plus petit.


Flattée du compliment, je saisis leurs bites et les masturbai, l'un face à moi, l'autre sur ma gauche. 


Souvent, j'avais eu ce fantasme de branler deux hommes en même temps, mais jamais je n'avais imaginé qu'un jour ce fantasme deviendrait réalité, aussi eus-je, vraiment, à ce moment-là, l'impression de vivre encore un véritable conte de fée. 


Malgré mes interdictions réitérées, les deux hommes en rut ne purent s'empêcher de balader leurs grosses pattes de cheminots un peu partout sur mon corps de déesse. A la fin, je les laissai faire, leur donnai mes seins et mes cuisses à pétrir. Ils finirent par accepter leur condition de simples voyeurs, imaginant mal qu'une femme aussi salope pût se donner de la sorte sans baiser. Ils finirent par éjaculer assez bruyamment, et presque en même temps, se maculant mutuellement de leur sperme. Ce fut drôle à regarder. Profitant de leur confusion, je me donnai, moi aussi, à leur insu, un extraordinaire éblouissement, puis, les abandonnai à leur sombre destinée de cheminots…


C'est alors que je me réveillai. Dehors, il faisait presque jour. Je compris que je m'étais endormie dans le train. Je me sentais dure et pure comme un bloc de cristal perdu dans ce train sordide et sale. J'étais prête à me donner à l'aurore naissante. Entre mes mains, je tenais un morceau de papier chiffonné. Je reconnus celui que l'étudiant Vaudelle avait sans doute abandonné dans ce compartiment...


Ophélie Conan

"Le saut de l'ange 1" (Chapitre 13)


Ce texte d'Ophélie fait suite à celui que j'ai publié récemment, intitulé "La petite gare de Sées". Dans cet épisode, Ophélie s'initie seule, la nuit, au "garouage" ou à "la dérive".





 

Commentaires

  1. Superbe texte très évocateur. J'aime beaucoup la chute (celle des reins aussi...).

    RépondreSupprimer
  2. L'Amour du risque.
    Ophélie avait l'air, de par ses mots, de nous embarquer dans ses fantasmes.
    Elle le faisait, généreusement, avec ses récits, digne de grande écrivaine.
    Elle était douée, avec un talent inné.
    Je sais qu'elle avait l'amour des trains , pas tant que ça de l'exhibitionnisme,
    plutôt de la limite à accorder à la provocation, sans être vue.
    Je pense, tu pourras me le dire Marianne, qu'il y a une part de vérité et de fantasmes dans ce texte..
    Pourrais-tu, par contre, me dire ta motivation, à toi, de republier ce texte.
    Est-ce une envie de prendre aussi des risques dans les gares, comme dans les cimetières ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ma motivation à sortir nue sous un manteau est exactement la même que celle d'Ophélie, celle de prendre des risques et d'augmenter l'excitation érotique. Ma motivation à republier ces textes d'Ophélie est une manière de lui rendre hommage, car c'est avec elle que j'ai appris à faire cela. Et maintenant, avec la même passion, je transmets et j'initie Gaëlle et Honorine, mais aussi Joséphine!

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Contrefaçon

Le monde d'Ophélie

Chic! Chic! Hourra!

Fin de soirée

Sixtine

Nuages

Jolies poupées

Petites et grandes manœuvres

Une nature volontaire et capricieuse

Lilith