A l'hôtel

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J'aime bien la vie à l'hôtel. Je n'y vais pas très souvent, seulement en vacances avec mes amies, ou parfois seule, lors d’un déplacement professionnel. Mais quand j'y vais je suis contente, parce que la vie en hôtel est très particulière, on y côtoie des gens qu’on ne connaît pas, qui vivent sous le même toit, et qu’ainsi parfois l’on peut rencontrer dans les couloirs, et avec lesquels, pourtant, on sympathise rarement. Ces gens, on les sait derrière la cloison, on les entend tousser, rire, chanter, parler dans des langues étrangères, se disputer, faire l’amour... La vie à l’hôtel est une vie très exotique, très chaotique, voire très romantique, surtout dans les grands hôtels internationaux. Je ne suis jamais allée au Chelsea à New-York, dont on dit grand bien, mais j'aurais bien aimé. Un jour j’irai. En revanche, je suis allée au Raffles, à Singapour, autrefois, avec mon mari. C’était féérique. J’ai aussi bien aimé le Lutétia à Paris, d’où l’on peut voir très loin, jusqu’aux collines de Meudon. Avec Marianne, je suis allée au mythique Pera Palace à Istanbul, non loin de la gare Sirkeci, terminus de l’Orient-Express, et aussi au non moins mythique Grand Hôtel à Cabourg.


Ce qui est bien à l'hôtel, c'est l'anonymat, la proximité des services, le personnel qui est toujours là pour répondre à tous vos besoins, à toutes vos attentes, à tous vos désirs.  On peut avoir accès à tout dans un hôtel, sans même sortir de sa chambre. Je ne comprends pas pourquoi Adrienne Maillet a écrit: "La vie d'hôtel est une vie fausse, toute de surface; elle n'a rien de profond ni d'enviable, puisque le cœur semble ne pas y avoir de place." Je ne suis pas d'accord avec elle, la peau n’est pas moins vraie que le cœur, elle est tout aussi utile. Un bon hôtel, c’est comme la mort, il nous accueille à toute heure.


Ce que j’aime bien dans les grands hôtels internationaux, c’est qu’on peut regarder le temps qui passe et le temps qu’il fait par la fenêtre, bien mieux qu'ailleurs, car le temps et le temps ne sont pas les mêmes à l'hôtel que chez soi, et surtout, on peut rencontrer des gens qui viennent du monde entier qui passent comme vous et moi, et d’autres qui y vivent à l’année. La vie à l’hôtel me donne une impression de chaos, de liberté, je me sens nomade quand j’y vais, prête à partir à l’autre bout du monde. J’aime me nicher dans une chambre que je ne connais pas, qui me donne l’impression déroutante d’être chez quelqu’un d’autre. C’est assez drôle. Et puis dans certains hôtels, parfois y sont venus des gens très célèbres, comme les Rolling Stones et William Burrough, au Chelsea de New-York, Ernest Hemingway à l’Ambos Mundos de La Havane, Marcel Proust au Grand Hôtel de Cabourg,  Aragon, Elsa Triolet, Beckett, Lee Miller, Man Ray, à l’hôtel Istria de Paris… C’est prodigieux, tous ces fantômes qui hantent les murs de certains hôtels.


Il y a des gens qui n’ont vécu qu’à l’hôtel. Il paraît que c’était le cas de Mademoiselle Chanel qui vivait au Ritz et avait sa vie coupée en deux par la rue Cambon. D’un côté de cette rue, elle avait sa maison de couture où se trouvait une bibliothèque, un salon, une salle à manger, une cuisine où elle prenait ses repas, recevait. Et puis, après le dîner, elle disait à ses proches: "on s'en va", et elle passait de l’autre côté de la rue, et entrait au Ritz, du temps où on n’y entrait pas encore par la place Vendôme.


Certes, la vie à l’hôtel a ses inconvénients. Les chambres sont souvent impersonnelles, surtout quand on y passe des soirées solitaires. Mais rien n’est plus excitant que de se donner du plaisir en solitaire dans une chambre impersonnelle. En plus, des contraintes sont également imposées comme la discrétion, l’adaptation aux heures de service de la restauration par exemple, ou encore le respect des autres clients. Mais cela n’est pas vraiment un problème quand on est à peu près civilisée comme moi. Il faut bien accepter de concilier l’anonymat et la proximité avec les autres!


Les hôtels ont une place à part dans la vie sociale. On est à l'intérieur de quelque chose, sans y être vraiment, parce qu’on n’est pas chez soi. C’est sans doute une manière de rester à la lisière. A l’hôtel, on est dans un "entre deux", chez soi et chez les autres, entre une arrivée et un départ, entre une vie discrète, anonyme, et une vie intime avec les autres. Quelque chose me dit que l’hôtel a quelque chose d’illicite. Je ne sais pas quoi ni pourquoi. C'est tout simplement idiot, mais à l’hôtel je me sens une autre. Quand j’y vais avec mes amies, c’est plus fort que moi, je les invite à transgresser les règles de la bonne conduite. Par exemple, tard dans la nuit, je les exhorte à sortir de notre chambre avec moi pour aller nous balader à poil dans les couloirs, sous nos manteaux et capes que nous abandonnons bien volontiers, si l’endormissement général de l’hôtel le permet, et si nous ne repérons pas d’insidieuses caméras dans les plafonds. Nous nous régalons de nos seins et de nos miaous dans l'ascenseur que nous ne cessons de faire monter et descendre, mais aussi dans les couloirs, devant les portes des chambres.


Porte 322. Porte 422. Porte 522. Porte 622…


Certes, il s’agit d’une pratique périlleuse qui nécessite de jouir en silence pour ne pas réveiller les honnêtes gens qui dorment derrière la porte en question. Ce qui est drôle, c’est quand, à ces heures tardives, nous croisons quelque noctambule. Effaré, en se retournant, il se demande toujours ce que nous pouvons bien faire debout, à cette heure.


Ophélie Conan

"Conan la barbare I", janvier 2014

"La dérive"


Les illustrations que j'ai choisies pour ce texte d'Ophélie sont des photographies de l'Américain Jerry Uelsmann (né en 1934), virtuose reconnu du photomontage argentique, créateur de scènes et de paysages oniriques. Ses montages, souvent ambigus, ont la particularité de déformer la réalité en juxtaposant des scènes ou des objets reconnaissables, n’ayant apparemment aucune relation entre eux, ce qui crée des effets surréalistes et poétiques étonnants. Vous les trouverez en 1, 3, 6, 12, 14, 15, 18, 21, 22, 23, 24, 26, 29, 31, 32, 36, 40, 41, 42. 

Bien sûr, j'aime aussi beaucoup les autres illustrations. En particulier, la violente délicatesse de Leone Frollo, dans la 9, le hiératisme quasi religieux de la 16, et la très mystérieuse 17.


J’adore 25. C’est une belle offrande de cunni.


J’aime aussi beaucoup 28, belle scène d'un jeu de soumission entre femmes qui inaugure une suite qui me fait fantasmer.


J’aime encore 33 et 35 qui m’inspirent quelques idées pour aménager certaines parties des communs de mon presbytère.


Marianne

Commentaires

  1. J'aime les hôtels aussi, qui ont tous de belles histoires entre leurs murs.
    (comme la vôtre, dans leurs couloirs)
    Je les fréquente dès que je peux,(temps, météo, budget) souvent à la capitale, où à l'étranger (avant le Covid)
    et à chaque fois, ma compagne et moi, aimons faire l'amour dans ces chambres impersonnelles.
    Nous en avons aussi, sur nos côtes bretonnes où, nous aimons nous y rendre, face à la mer.
    A chaque fois, il y a un romantisme incontournable.
    Comme le dit Ophélie, est-ce parce qu'on n'est pas chez nous.
    J'aime cette ambiance, et en plus, il n'y a rien à faire qu'à se laisser aller.
    Tes illustrations, j'adore les dessins, sont encore, toutes aussi excitantes, les unes que les autres.
    Une m'a fait sourire. la 38. Il y a toujours un plus gros que l'autre, il me semble.
    J'adore la 5.
    Et la 28, est-ce Joséphine, la suiveuse ?

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    1. Oui, tu le dis très bien, il y a un charme quasi romantique à séjourner à l'hôtel! Avec Ophélie, quand nous y allions assez souvent et nous y faisions systématiquement l'amour. Avec les filles, c'est une expérience que nous ne connaissons quasiment pas, depuis le covid! C'est bien dommage! Mais j'espère que ça viendra!
      Oui la 38 est rigolote. Quant à la 28, non ce n'est pas Jojo, "la suiveuse". (Personnellement je vois cette femme moins "suiveuse" que "maîtresse").

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    2. Je disais ça à cause de la brosse à cheveux,
      qu'ici, d'ailleurs semble être dédiée à une autre utilisation qu'en a faite Jojo.

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  2. Comme toi, Marianne, je vois la femme comme maîtresse dans l'illustration 28. J'aime la sirène de la 18, je fais une génuflexion devant la brosse de la 11, et je sculpte la 26.
    Le charme des hôtels et de la transgression : je connais aussi cela.
    A Istanbul , j'étais trop fauchée pour un hôtel de bon aloi, mais j'ai beaucoup aimé mon séjour en Turquie. Pour la 38, les femmes ont toujours un sein plus gros que l'autre. Il doit y avoir un parallèle chez ces messieurs si on pèse " les boules "...

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    1. Peser les boules de ces messieurs est certainement peu facile, surtout avec une balance Roberval! Peut-être existe-t-il une autre méthode?
      Parmi les photos d'Uelsmann, j'aime aussi beaucoup, la sirène 18, et la "rupestre" 31. Sur la 26, il faudrait pouvoir sculpter le nuage!

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    2. Je ne sais pas si Véronique , la belle aux yeux verts, a pesé les boules de ses messieurs dont elle mesurait la longueur des pénis. Je pensais ne sculpter que la femme dans l'illustration 26 et non le nuage, ce qui est beaucoup plus difficile.

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    3. Véronique était-elle obsédée par les grandes ou les petites tailles? Peut-être tenait-elle des registres?
      Oui, le nuage est plus difficile, mais souffre peut-être moins d'inexactitudes!

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    4. Véronique était obsédée par les grandes tailles supérieures à vingt centimètres!

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    5. Je répète "Eh Bé !".
      La rousse aux yeux verts se trimballait
      avec son mètre, et mesurait le pénis de toutes ses rencontres.
      Inférieur à 20 cm, un coup de pied dans le cul.
      Elle avait de l'appétit cette dame.
      J'espère qu'elle a "trouvé chaussure à son pied".

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  3. Comme Gil, j'aime aussi la 5, le baiser fougueux et le jet de cyprine sur le carrelage.

    Quant aux "boules des messieurs", le parallèle doit être fait non pas avec les seins, mais avec les ovaires. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il y en a une plus grosse que l'autre, mais il est très fréquent qu'il y en a une plus basse que l'autre.
    C'est une question qu'il faudrait poser à celles qui aiment les caresser et qui en ont connu un large échantillon.
    Je t'embrasse, Marianne.

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    1. La question (des boules) est ouverte à celles dont tu parles (mais je n'en suis pas!).
      Oui la 5 est très "baveuse"...
      Bise, Phil!

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