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Une chose m'étonne. Il paraît que lorsqu'on est amoureux, il est de première importance d'entretenir le désir, un peu comme si il existait une hygiène du désir, ou un entraînement du désir, ou comme si le désir était une chose rationnelle, mesurable, exploitable, soumise aux lois du rendement. Des fois, je lis des conseils de psychologues dans des revues, du genre: entretenez le désir dans votre couple! Faites-ci, faites-ça... Décidément, le discours entrepreneurial s'infiltre partout, ce qui montre bien que nous sommes dans une société qui veut tout rationaliser, tout légiférer sur tout, tout contrôler et mettre de la croissance partout en ce temps de crise. Même dans le désir.
Non, le désir ne doit pas être entretenu. Ou bien il est, ou bien il n'est pas. Si le désir est, ou bien il croit et embellit tout seul, sans qu'on n'y fasse rien, ou bien il ne croît pas, et dépérit tout seul, et c'est tant pis pour lui. Pour moi, le désir est un vrai mystère, il est un maître plus fort que moi, il m'échappe comme un rire, comme un feu, comme un volcan, imprévisible et aléatoire. La seule chose que je sais de lui, c'est qu'il est là ou qu'il n'est pas là. Quand il est là, je le sais, parce que je n'y échappe pas, il me brûle, il me torture, il m'excite. Aucun doute à avoir, je sais quand le désir est là ou pas. Pour autant, j'ignore totalement ce qui me pousse. Pourquoi je désire Marianne plutôt que Rose ou Marceline. Bien malins ceux qui pensent avoir accès aux vraies causes de leur désir. Je sais seulement que je ne peux vraiment désirer qu'un être féminin, parce que représentatif, peut-être, d'un grand archétype maternel. Proust a bien raison de faire dire à Swann, quand sa folle passion pour Odette est tombée, que cette femme n'était pas son genre! Car nous sommes tous aveugles sur le sens véritable de notre désir, et c'est précisément cela sa marque. L'aveuglement. Quand on sait, ou qu'on croit savoir, c'est qu'on n'aime pas vraiment, on raisonne. Moi je dis comme Montaigne: parce ce que c'était elle, parce que c'était moi.
Peut-être que nous désirons l'autre à partir de ce que nous sommes. Peut-être est-ce moi que j'aime à travers elle, ou encore peut-être n'est-elle que mon complément? Peut-être est-elle plutôt un néant, un vide dans lequel je veux me précipiter ou au contraire éviter, peut-être est-elle un danger dont j'ai besoin pour m'éprouver moi-même? Jusqu'au jour où je ne pourrai plus supporter qu'elle soit moi ou représente ce qui me manque ou ne soit rien ou seulement qu'un danger. Alors cette découverte me sera sans doute insupportable. Le désir amoureux, assurément, est un chemin incertain, une aventure et, pour le réussir, il ne faut pas miser sur un idéal et attendre la perfection. Il faut accepter les crises, les épines, les fausses notes, accepter de n'être pas toujours grimpées dans les rideaux. Ce qui compte c'est la passion de vouloir s'éprouver, malgré les difficultés. Rester ensemble n'est pas un but en soi, mais une éventuelle conséquence, comme la rupture.
Sans doute faut-il distinguer le désir sexuel et le désir amoureux. Le désir sexuel n'implique évidemment pas le désir amoureux, mais sans le désir amoureux, le désir sexuel s'émousse et nous pousse inlassablement vers d'autres conquêtes. Le désir amoureux est une douce et merveilleuse folie de l'âme qui nous lie mystérieusement et magiquement à l'être aimé dans une totale intimité. En revanche, pour durer, cette intimité des âmes implique forcément la venue du désir érotique et sexuel, et de pousser encore plus loin l'intimité, dans les moindres replis de nos corps mis à nu. Sinon, il s'agit seulement d'un état mystique ou d'une amitié. Quand je brûle de désir amoureux, quand je suis flamme pour Marianne, j'ai besoin de concrétiser ce désir en partageant du sexe avec elle, pour vivre de la sensualité, du plaisir et de la volupté. Ce grand partage, c'est la fusion des âmes, mais aussi des corps, c'est la fusion des êtres dans leur globalité. Ce n'est pas une fusion malsaine et pathologique qui reposerait sur une logique d'exclusivité ou de dévoration de l'autre, ou encore d'obligation d'incarner son idéal, mais une fusion qui reconnaît les différences en vue d'obtenir la plénitude de chacune et aussi des deux. Cette fusion que je qualifierais de positive, c'est la rencontre de deux êtres humains adultes qui refusent une logique sacrificielle de soi, tout autant que la tentation de la possession de l'autre. Chacune reste elle-même et aucune ne demande à l'autre d'incarner le sens qu'elle n'a pas trouvé dans sa vie. Ce sens, nous le cherchons ensemble dans les aléas de cette fusion positive, mais aussi séparément, dans la solitude ou dans la rencontre avec d’autres.
C'est pourquoi, au-delà du mystère qui m'a poussée vers ma chère et tendre Marianne, je sais que ce qui m'attache à elle, c'est que je me sens bien avec elle. Elle ne me vampirise pas, elle ne me détruit pas, et moi je ne pense pas la vampiriser ni la détruire. Je n'attends pas tout d'elle et elle n'attend pas tout de moi. Par exemple, le fait qu'elle accepte ma relation "conjugale" avec Rose, et mon libertinage avec Marceline, Marlène, Amélie, Chloé, et qu'elle ait accepté d'être ma complice à Rome avec Gina et Giulia, est bien la preuve que nous sommes sur la voie d'une fusion positive et constructive. Je l'en remercie et c'est pour cette raison que je l'aime encore davantage.
Ophélie Conan
"Conan la barbare I", 5 février 2012, publié en Kindle dans "Excentrique"
Comme d'habitude, j'ai illustré le texte d'Ophélie avec des images de femmes, souvent lesbiennes. Ces images ne sont pas centrées sur l'œuvre d'un peintre ou d'un photographe, mais proviennent d'univers très différents. Toutes attisent mon désir... et peut-être bientôt le vôtre.
Marianne
Le texte d'Ophélie est bien écrit.
RépondreSupprimerTes illustrations sont (encore) bien choisies. Parmi celles qui attisent mon désir, le tiercé gagnant est 3, 4, 8.
Merci Marianne et belle soirée à toi.
Bise.
Merci Phil. Oui, 3, 4, 8 sont excitantes, ainsi que 42, mais j'aime aussi beaucoup 34, 40, 45, et 39, avec cette femme qui semble sortir du miroir! Belle journée.
SupprimerQuel texte magnifique, tout en finesse! Je m'y retrouve aussi avec des expériences différentes. Oui, le désir amoureux qui n'est pas captation de l'autre et qui s'exprime par la fusion des âmes, des coeurs, des couleurs ( jeux de peinture sur les corps ), des jeux sexuels entre fusion et distance, extase avec pause du souffle après tous les jeux de corps à corps qui nous font entrer en transe... J'aime toutes les illustrations mais ma préférée est la 34 pour les couleurs, les volumes, le flamboiement du tableau.
RépondreSupprimerMerci Elisabeth. Oui la 34 est magnifique et flamboyante. C'est un tableau signé "Bona". Je pense qu'il s'agit de Bona Tibertelli de Pisis (1926-2000), femme de André-Pieyre de Mandiargues, une des égéries des Surréalistes.
SupprimerJ'ai une 'faiblesse' pour la 9. Elles sont toutes superbes.
RépondreSupprimerJe les aime bien toutes également. La 9 n'est pas celle que je préfère, mais elle a un charme indéniable comme les planches un peu jaunies d'un vieil herbier!
SupprimerLe désir est inné, échangé, mutuel.
RépondreSupprimerUn simple sourire, une caresse, un regard peuvent le déclencher
pour l'être qu'on aime, et comme le dit Ophélie est n'est pas obligatoirement sexuel,
ça dépend du moment.
Quand on est attiré par une personne, ça peut arriver n'importe quand.
Ce n'est pas schématique.
Il est étroitement lié à l'amour, aux sentiments.
Qu'Ophélie t'aimait Marianne.
Oui, nous nous aimions beaucoup, Ophélie et moi, et je n'étais pas jalouse de son nouvel amour pour Honorine. La preuve: j'aime aujourd'hui beaucoup Honorine, et comme Gaëlle m'adorait... C'est un peu compliqué, mais très simple quand même entre nous trois! Joséphine est un peu en dehors de tout ça, comme l'était Rose, mais nous l'aimons bien!
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