Infidélité

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

29

30

31

32

33

34

35

36

39

40

41

42

43

44

45

46

47

 Même si elle est assez fréquente, l'infidélité n'a pas bonne presse. Dans notre culture, et depuis longtemps, on valorise la fidélité en la présentant comme une qualité, une vertu et, naturellement, son inverse, l'infidélité, est un défaut, voire un vice. Ainsi, les représentations sur le sujet sont complètement clivées. Ou bien l'on est dans l'une, ou bien dans l'autre. Il n'est pas possible d'être entre les deux.


 En fait, les choses ne me paraissent pas si simples. Par exemple, dans un couple engagé dans la fidélité, les raisons qui font que l'un trompe l'autre sont à chaque fois à analyser dans le détail et renvoient à une mécanique interactive généralement très subtile et jamais très facile à comprendre, mêlant ressentiments, non-dits, jalousies, etc. En conséquence, je n'évoquerai pas cet aspect du problème, ni même le fait que l'infidélité peut fort bien s'expliquer, à notre époque, par la longévité plus grande des êtres humains qui passent désormais ensemble une vie de plus en plus longue qui, fatalement, use et émousse la passion amoureuse.


 Pour moi la question se pose autrement. D'abord pourquoi parlons-nous d'infidélité? Pourquoi mettre ce préfixe négatif à la fidélité, ce qui laisse supposer qu'elle serait en soi la seule référence à la vertu? Pourquoi serait-il bien d'être fidèle et mal d'être infidèle? Bien sûr, on me rétorquera que c'est au nom d'un engagement initial. Mais pourquoi cet engagement? D'abord est-il humainement possible? N'est-il pas l'expression d'un idéalisme forcené? Et puis, en cours d'engagement, est-ce vraiment par amour que nous voulons rester fidèle, ou bien plutôt parce que nous avons peur d'être quitté et qu'avec ce comportement, nous espérons, voire exigeons, en retour, le comportement semblable? Auquel cas, la fidélité ne serait pas dictée par un noble sentiment, mais par un pitoyable besoin de sécurité ou, plus simplement, par un fort égoïsme comptable? Vouloir être l'unique de l'autre, n'est-ce pas une manière insidieuse de se l'approprier? N'est-ce pas un retour à l'égoïsme enfantin qui veut que nous soyons l'unique objet des soins et de l'amour de notre mère ou de notre père?


   Ce qui est curieux, c'est que les gens font différentes lectures de la trahison de l'infidèle. Pour certains, elle commence par le simple fait de regarder quelqu'un de manière insistante, pour d'autres il faut qu'il y ait une pénétration vaginale. Pour d'autres encore, ce n'est pas la pénétration vaginale qui fait trahison, mais bien plutôt les pensées, les sentiments, les poèmes écrits en quantité... Enfin, le plus curieux, c'est que certaines personnes peuvent avoir une liaison extra-conjugale sans avoir jamais le sentiment de trahir, tandis que d'autres savent qu'ils trahissent parce qu'ils pensent secrètement à un être auquel ils n'ont jamais touché.


 Pour moi, il n'est pas possible d'empêcher le désir de naître en soi-même et de circuler entre les êtres? C'est demander l'impossible que de demander cela. Empêcher le désir, c'est faire œuvre d'idéalisme forcené. Ne sommes-nous pas fondamentalement faits pour désirer et aimer la nature, toute la nature? Pourquoi nous limiterions-nous à un seul être, si ce n'est pour des raisons d'équité dans le partage socioéconomique? A chacun sa part, à chacun son dû. Mais au delà de cette raison "sociale", j'admets très bien que lorsqu'on est amoureux, on ressent forcément quelque chose d'exclusif et d'unique pour l'être aimé. C'est d'ailleurs le propre de l'amour et de la passion amoureuse, et c'est exactement ce que je ressens pour Marianne que j'aime d'un amour intense, violent et constant depuis bientôt deux ans. Mais cet amour exclusif doit-il pour autant nous éloigner des autres, de leur séduction, de leur désir? Non, car l'amour vrai doit accepter de se soumettre à la loi de la concurrence et nous ne devons accepter son caractère exclusif que parce qu'il se frotte à ladite concurrence. S'il reste le plus fort, c'est qu'il est effectivement le plus fort, non parce qu'on décrète vouloir le sauvegarder par sécurité, habitude ou routine ou je ne sais quelle autre raison, mais bien parce qu'il a vaincu toutes les autres tentations.


 L'amour est donc la manifestation et le résultat d'une incroyable dynamique de risque qui excite et vitalise les amants, et non l'affirmation despotique et définitive d'un état d'avachissement ou d'un vague rêve de possession et d'aliénation de l'autre.


Ophélie Conan

(29 mars 2012, Conan la barbare I)

"Excentrique"


Pour Ophélie, l'infidélité n'avait pas de sens, seul comptait l'amour, exaltation permanente de tous les sens en faveur de l'être aimé. Pour elle, l'être aimé est celui qui s'impose pour être aimé. Il peut être unique, mais peut aussi être plusieurs.


Du temps de Rose, j'étais l'unique être aimé d'Ophélie. Ophélie faisait donc l'amour avec moi, mais le faisait également avec Rose. Elle me disait qu'elle aimait aussi faire l'amour avec Rose, parce qu'elle en avait envie, mais que, pour autant, elle n'aimait pas Rose d'amour. D'ailleurs, elle ne lui disait jamais qu'elle l'aimait. A moi, elle me le disait souvent. Je devais comprendre ça, et je l'ai très vite compris. Ophélie m'a expliqué que je n'avais aucune raison d'être jalouse, puisque c'est moi qu'elle aimait. Du reste, j'avais parfaitement le droit de faire l'amour avec Rose, et aussi avec d'autres filles dont je pouvais tomber amoureuse.


Quand Honorine est entrée dans la tribu, Ophélie lui a évidemment fait l'amour, mais elle lui a aussi dit qu'elle l'aimait, parce qu'elle en est tombée amoureuse. L'être aimé n'était plus unique, mais deux. Ophélie ne m'a pas dit de comprendre ça, ni de ne pas être jalouse, mais je l'ai tout de suite compris. Je n'étais pas jalouse et n'avais aucune raison de l'être, parce que j'étais sûre qu'elle nous aimait toutes les deux. Ophélie ne me demandait pas d'aimer Honorine comme elle l'aimait elle-même, et comme elle m'aimait, ni de lui faire l'amour, mais je l'ai aimée et lui ai fait l'amour, et ça continue encore aujourd'hui. Je l'aime comme j'aime toujours Ophélie.


Gaëlle m'aimait, voulait avoir un enfant avec moi, et devant son amour, je suis vraiment tombée amoureuse d'elle. Aujourd'hui, Gaëlle et Honorine s'aiment, elles m'aiment et nous nous aimons. Et nous nous le disons.


Marianne




Commentaires

  1. Ophélie analyse bien les choses et la fidélité du coeur n'est pas forcément celle du sexe. Sa notion de l'être aimé me parle profondément. Bien sûr, le désir peut aller vers un être aimé mais aussi vers celui qui nous attire. Il est dur de vivre l'amour quand l'acte charnel est impossible ( refus de l'autre souvent lié à un blocage ). Aimer plusieurs personnes, chacune selon son mode? Oui et c'est très beau. Merci Marianne pour vos deux articles.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as raison, le cœur et le sexe peuvent être dissociés, mais à condition d'observer un comportement clair et non ambigu à l'égard de l'autre. Et je suis encore d'accord avec toi quand tu dis que l'amour est difficile à vivre sans acte charnel, mais ça dépend peut-être de chacun ou chacune!

      Supprimer
    2. Oui, Marianne, il convient d'être vrai avec chaque personne.

      Supprimer
  2. If everyone would think like you about infidelity and love, the world would be a much better place!

    RépondreSupprimer
  3. Je suis admiratif devant l'analyse faite par Ophélie. Analyse avec laquelle je suis d'accord. C'est tellement intelligent, évident, philosophique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour elle! Moi aussi, je suis d'accord avec son analyse!

      Supprimer
  4. Belle analyse d'Ophélie.
    J'étais étonné de ne pas voir le mot "jalousie"
    dans les mots de notre très regrettée Ophélie.
    C'est dans tes mots à toi, Marianne, qu'on le découvre.
    Je crois que c'est l'une des clés de l'amour à plusieurs.
    Si l'être qu'on aime, aime un(e) autre, il est logique qu'on respecte ce choix,
    si on l'aime vraiment. Il faut faire la différence aussi entre l'amour tout court et l'amour physique.
    Bref, c'est très compliqué tout ça, et vous avez, chez vous, à remédier aux problèmes dans votre polyamour. Bravo.
    Ce qui est marrant, c'est que les temps changent, et ce qui était vrai avant, ne l'est plus, obligatoirement, maintenant.
    Pourquoi, il serait interdit d'aimer plusieurs personnes ?
    Dans la plupart des cas, actuellement, quand une personne tombe amoureux(se) d'une autre personne, il (elle) tomber la première automatiquement. Pourquoi ? Il faut en finir avec l'amour "kleenex".
    Le cœur est-il trop petit ?
    La philosophie n'est pas simple.
    Encore quelques illustrations à effet.
    Beaucoup me plaisent.
    Je demanderai tout simplement,
    sais-tu qui est sur la 30 ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, le polyamour n'est pas simple pour les personnalités envieuses et jalouses, celles qui concernent les personnes qui n'ont pas confiance en elle-mêmes ou craignent d'être abandonnées. Finalement, nous avons beaucoup de chance de nous ajuster si bien!
      La jeune femme de la 30 est l'actrice américaine Mary Nolan (1905-1948). Elle est très belle!

      Supprimer
    2. Merci Marianne pour ta réponse.
      Oui, elle est très belle.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Contrefaçon

Le monde d'Ophélie

Chic! Chic! Hourra!

Fin de soirée

Sixtine

Nuages

Jolies poupées

Petites et grandes manœuvres

Une nature volontaire et capricieuse

Lilith