La marchande de cercueils

 

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Très belle balance insensible

La marchande de cercueils

Bougonne et se caresse

Elle vient de trousser ses manches

Il fait froid

Elle ne fait pas ça seulement parce que c'est dimanche

Ou pour se réchauffer

Elle gagne

Et l'hiver gagne aussi et égratigne

L'hiver est dur et il dure


Là me faut mon temps employer

La marchande a mis ses bottes

Et les morts à sa table

Ils déjeunent en silence

Ils se sont levés tôt

Elle active son clito

Elle jouit

Et maintenant elle gagne sa chaumine enfumée

D'un pas lent et accessoire

Avec un rire séculaire d'édentée 

Comme celui du petit Jésus qui sort de sa crèche

Et vient crever mon cœur solitaire

Du bout tranchant de son ombrelle


Je prends ça et le temps qui m'est destiné

Cette planète est ronde

Et chacune de mes larmes est une horrible minuterie

La saison m'appelle et m'incite à mille mutineries

De noirs événements sonnent comme des mobiles

Annonçant des pseudo-nouveautés


Souvent sur la plage

Je me rends

Pour regarder danser les sorcières

A l'ombre lunaire d'un vieux chêne

Et là je m'emploie à mettre de la rouille dans mes paupières

Je me mets nue

Et je rêve

Etrangère

Sur mes pensées de naguère


Je me mets nue parce que nue

Je suis venue en ce monde

Un glaive dans le cœur

Et si mes méfaits inconnus demeurent impunis

C'est que ne suis pas née pour ce bonheur infini

Quoi que je dise

Quoi que je fasse

Je suis comme elle

Belle et sans ornements

Je danse dans le plus simple appareil

Ne mets ni fraise de dentelle

Ni rouge à lèvres

Ni fastueuses robes de velours

Au mieux des bas sombres et un porte-jarretelles

Comme au premier gel de nos amours


J'attends le retour de la marchande de cercueils

Pour danser avec elle

Et j'attends celui de l'été

Car j'ai besoin de la lumière des amours en plein air

Et des mamillations sans vergogne

Et sans fin

J'attends que la garce m'offre la pomme douce

Pour adoucir mon esprit amer

Qui ne cesse de rôder sur la mer

Je ne veux plus de baisers factices

D'envols inentrevus

Sans ailes

Sans elle

Je veux m'aveugler de la belle aube en poudre

Je veux nourrir mes bouches insensibles

De gros bouquets de roses rouges

Je veux partir en voyage

Sans mon mouchoir à carreaux et sans mes gants

Je veux me savourer dans son fantôme à la ferveur de la nuit.


Ophélie Conan


(8 avril 2012, "Conan la barbare I")

Accessible dans "Vénus et le loup blanc"


Ophélie a souvent fait intervenir la mort dans ses textes ou dans ses choix d'illustrations. Elle adorait l'unir à des situations érotiques. Je ne sais pourquoi, mais je trouve que ce beau poème d'elle rencontre des échos dans les photos de Bettina Rheims. Née en 1952, d'abord mannequin, journaliste et galeriste, cette fantastique portraitiste française a beaucoup aimé photographier les femmes et, discrètement, sans en avoir l'air, le travail de la mort. En 1995, elle a réalisé la photo officielle de Jacques Chirac, Président de la République.

Marianne

Commentaires

  1. Très beau poème d'Ophélie effectivement.
    Et curieusement, elle se promène nue devant la mer,
    en évoquant la mort.
    Est-ce devant, cette baie où, cette belle sirène rode toujours,
    par ses messages que tu nous offres, encore, Marianne
    Je pense cet été, passer vers ces embruns du Finistère Sud,
    en regardant cette étendue bleue et salée, et penser fortement à elle.
    Toutes le photos (belles) sont-elles de Bettina Rheims ,
    Il me semble avoir reconnu Vanessa Paradis et Claudia Schiffer, il me semble.
    D'autres, Jayne Mansfield, peut-être sur la 5 ? , qu' Ophélie adorait.
    La 12, j'adore.
    Bon W-E, Marianne.
    Bise.

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    Réponses
    1. Oui, les cendres d'Ophélie ont été éparpillées dans la baie d'Audierne!
      Sauf erreur de ma part, toutes ces photos sont de Bettina Rheims. La 1 représente sûrement Vanessa Paradis, la 6, Claudia Schiffer. Jayne Mansfield en 5, je ne suis pas certaine. Personnellement, j'aime beaucoup les 20 et 24, et la 8 qui semble faire un clin d'œil à la Joconde... Bon dimanche, Gil.

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    2. Tout comme Ophélie, tu aimes les transports en commun.
      Y avez-vous fait l'amour ? Ou plus aisé, y êtes-vous masturbées ?
      Je dois t'avouer que des fois le faite de m'assoir dans un train,
      un bus ou même une voiture qui roule m'a fait souvent de l'effet
      (si tu vois ce que je veux dire, et je n'en doute pas).
      Donc, je suppose que pour les femmes, il en est de même.

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    3. Oui, j'aime aussi les transports (en commun, ou non), comme Ophélie, pour y éprouver de douces sensations, et même, si c'est possible, les activer, en fonction de l'environnement immédiat... Tu as raison, si tu as connu ces belles sensations, il en est de même pour les femmes!

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  2. J'aime bien les jeux d'Ophélie avec la mort. Elle la nargue, se joue d'elle et reprend le dessus. Je m'attendais à ce que les morts qui étaient sur la table terminent dans la cheminée mais il est vrai qu'ils déjeunent. Il y a un ricanement et une explosion de vie. Je ne sais si Ophélie fut influencée par son travail en EPHAD ou si c'est plus profond un peu comme le symbole du yin et du yang.

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    Réponses
    1. Je pense qu'il y a des deux, mais son travail en EHPAD l'a certainement très influencée.

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