L'anniversaire de Joséphine selon Elisabeth

 

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En ce jour où mars choisit de crever le plafond des températures habituelles, trois femmes se faufilèrent dans un vestiaire trié sur le volet. Le manteau n'étant plus de saison, elles optèrent pour des robes longues noires échancrées laissant entrevoir leurs dentelles noires, et la longue fente où se dévoilent les jambes prêtes à danser et le reste qui se réserve pour le vent fort : le Nil en rougissait sous le pont. Au-delà, une danse en transe se vivait autour d'un feu. Les trois femmes s'approchèrent des derviches tourneurs si exaltés par leur envoûtement à plusieurs voix qu'ils ne les virent pas. Elles avaient bu, il est vrai, en sortant du vestiaire chez un apothicaire de la vieille école un philtre les rendant invisibles si nécessaire, mais leur apportant un surcroît de lucidité et d'excitation. En guise de rémunération, il avait exigé sous peine que le philtre cesse d'agir que la première qui tombe dans la transe soit entourée des soins des deux autres. La mère et la fille savaient résister à la transe, science apprise au cours de cérémonies de sorcellerie au contact de peaux d'ébènes qu'elles avaient pétries à cet effet. Leurs yeux flambaient tandis qu'elles dansaient à perdre haleine tandis que la troisième les regardait en battant la mesure. Soudain apparut la belle rousse aux yeux verts, à peine couverte d'un voile noir qu'elle ne cessait de réajuster tandis qu'elle le laissait glisser avec une nonchalance professionnelle : sa transe était parfaite mais contrôlée provoquant une accélération de la mère de la jeune femme tandis que celle-ci se tournant vers son amie battant la mesure lui chuchota " elles me font peur, toutes les deux : lance-toi, tu as le rythme dans le sang " " Pas que le rythme " répondit l'autre femme un peu gênée. " A mon âge, cela ne se fait pas! " " Crois-tu que tu sois la plus jeune? " Rougissant, elle balbutia : " tu le vois bien ! " " Je comprends qu'on t'a raconté des balivernes jadis, mais tu ne vois pas que l'une des femmes triche? " " Non, je ne vois rien ". Des cieux vint un ricanement sinistre et arrêtant de battre la mesure, elle me regarda angoissée : " cela sent la mort ". " Et cela ne t'excite pas? " " Cela ne se fait pas " "Qu'est-ce qui ne se fait pas? Tu as été au catéchisme, toi? " " J'étais obligée, tu t'en doutes "! " Et le curé t'a dit quoi sur ce qui était interdit? " " Il m'a donné toutes les positions mais tu me fais rougir car je n'ai pas tout essayé " " Et lui, tu crois qu'il a tout essayé? " "Pt être bien que oui : il en connaissait beaucoup " " Mais ton curé ne t'a pas parlé de la résurrection? " " Non, de l'enfer! " " Et tu l'as cru? " " Non, il buvait trop de gnole  mais pourquoi tu me parles de résurrection? " " Un corps glorieux et le corps d'une amie qui a bu un élixir de jouvence : comprends-tu? On se les envoie ensemble " Les derviches tourneurs continuèrent la transe tandis que quatre femmes s'unirent, se désunirent, jouant avec leurs corps ayant opté pour le semblant de voile noir porté par la belle aux yeux verts, et le philtre permit à Joséphine de fêter ses vingt six ans comme elle n'avait jamais osé le rêver.

Elisabeth de Hautségur 
Voir ci-dessous *


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Les tableaux sont de Mona Zaalouk (1945-1996), peintre égyptienne et amie d'Elisabeth. Mona connaissait et partageait les idées de l'écrivaine et psychiatre Nawal al Saadaoui (1931-2021), récemment morte au Caire, le 21 mars dernier, à l'âge de 90 ans. Cette femme était une grande figure de l'émancipation des femmes dans le monde arabe, une sorte de Simone de Beauvoir...


Commentaires

  1. Juste une petite précision : j'ai corrigé mon article là où Joséphine m'interroge au sujet de sa jeunesse. J'ai mis : " crois-tu que tu sois la moins jeune? " A vrai dire, les deux versions peuvent s'écrire. Merci Marianne pour les tableaux de Mona. Je connaissais Nawal al Saadaoui rencontrée au Caire. Vous pouvez trouver un reportage sur elle sur you tube sous-titré en français : " Nawal al Saadaoui : la voix de L'Egypte ". Il y a peut-être d'autres reportages. Nawal al Saadaoui a beaucoup écrit et ses ouvrages en français sont en librairie.

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  2. J'aime la liberté qui se dégage de ces tableaux.

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    1. Alexandre, Mona était une femme très ouverte à tout apportant de la joie partout.

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  3. Je ne reconnaissais pas l'écriture d'Ophélie et pour cause.
    Elizabeth, c'était un diablotin votre curé avec son enseignement du Kamasutra.
    Du vécu ?

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    1. Gil, jadis, il existait des manuels expliquant les positions autorisées et les positions interdites, de quoi fasciner l'imaginaire : ils existent peut-être encore dans les églises intégristes. Les curés sont passionnés par la sexualité : la dernière note de La Congrégation de la Doctrine de la Foi est une horreur sur le péché de Sodomie ( dans la réalité, Sodome a péché par manque d'hospitalité : tu peux fantasmer avec ), chez les homosexuels ( ils ont un problème, ces pauvres curés : ils oublient ce qui se passe quand il y a des femmes ). Ce doit être l'équivalent des versets sataniques émanant du Vatican qui devrait apprendre à se taire! Cela a blessé plein de gens pour rien! Je déteste la morale. L'éthique a plus de fondements.

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    2. Oups, je n'en demandais pas tant.

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  4. Réponses
    1. Merci Romane. Je t'ai croisée sur le blog d'Ophélie surtout quand elle était sur Overblog. Ensuite, j'ai eu des soucis qui m'ont écarté des blogs!

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