Une grande fille toute simple

 

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Dans la résidence où elle habitait, ses voisins disaient d'elle qu'elle ressemblait à une poupée Barbie. D’autres, certainement plus connaisseurs, lui trouvaient un faux air de Lara Croft. Il est vrai qu'elle était grande, mince et particulièrement bien faite. Ses longs cheveux blonds, raides comme des baguettes de tambour, sa poitrine provocante qui remplissait toujours de généreux décolletés, ainsi que ses longues jambes de sportive, bien visibles grâce à ses mini-jupes, faisaient d'elle une créature de rêve. Pourtant, elle était bien réelle, et certains l'appelaient Belle-en-cuisse ou encore Lova Moor, tellement elle était la réplique exacte de la célèbre meneuse de revue, et tant elle inspirait de fantasmes amoureux à ses voisins.   


Très belle et très sexy, elle n'en était pas moins une grande fille toute simple. Elle vivait seule, et personne ne pouvait dire d'elle qu'elle menait une vie tapageuse ou débauchée. On ne lui connaissait pas d'amant, et aucun de ses voisins qui surveillaient attentivement ses allées et venues, ne l'avait aperçue, une seule fois, en compagnie galante. Cela, du reste, intriguait. Elle s'appelait Tove, et ce nom, d'origine suédoise, rappelait son ascendance maternelle.   


Bien que très polie et très sage, elle faisait néanmoins formidablement jaser les habitants de l’immeuble. Son comportement ne présentait pourtant rien d'anormal ou d'extraordinaire, mais on ne comprenait absolument pas qu'une aussi jolie fille fût aussi seule dans la vie. Par ailleurs, personne n'était en mesure de dire quel métier elle exerçait, elle restait fort discrète sur ce point. On la voyait aller et venir, conduisant sa modeste Clio, et certains affirmaient qu'elle était infirmière dans un hôpital voisin. D'autres, étaient certains de l'avoir rencontrée à l'accueil d'une grande entreprise de la région. On avait bien remarqué qu'elle passait beaucoup de temps chez elle, mais personne ne savait ce qu'elle y faisait. En fait, elle consacrait de nombreuses heures à parfaire les lignes de son corps merveilleux, en s'adonnant chaque jour à de fastidieux exercices de body-building.   


Ce jour-là, elle descendit de chez elle, comme à l'accoutumée. Sur le parking où elle garait sa Clio, elle rencontra Octavio, un chômeur d'une trentaine d'années, un peu étrange et marginal, qui avait l'habitude de se tenir en ce lieu, rien que pour la regarder passer. Comme d'habitude, le jeune homme la bouffa des yeux, mais la belle n'y prêta guère d'attention. Elle le salua poliment et monta dans sa voiture qu'elle fit démarrer en trombe. 


Elle roula durant une bonne demi-heure, puis arrêta son véhicule dans une grande cour, au milieu de tristes bâtiments. Elle était attendue, car un homme lui demanda de se presser, aussi courut-elle dans de longs couloirs, avant de s'enfermer dans une toute petite pièce où elle retira les deux seuls articles de vêtement qu'elle portait, à savoir son débardeur et sa jupe très mini, pour sortir complètement nue. Une jeune femme qui l'attendait dans une autre pièce, la rhabilla et la maquilla. Enfin, quand elle fut prête, elle se présenta dans un autre lieu, plus vaste, qui ressemblait à un salon, où se trouvait une équipe d'hommes et de femmes. L'un d'entre eux lui expliqua ce qu'elle aurait à faire. Elle écouta sans dire un seul mot, puis, ayant bien compris, elle alla s'allonger sur le canapé. 

— Moteur! dit l'un des hommes.   


C'est alors qu'une jeune femme, aussi blonde qu'elle, en tenue de servante, entra et s'approcha. Tove lui demanda de poser le thé, et de venir s'asseoir près d'elle. Sans lui dire un mot, elle l'embrassa sur la bouche et lui palpa les seins.   

— Coupez! cria l'homme.   


Trois heures plus tard, après avoir sucé la chatte et les seins de la servante, effectué trois fellations, et subi les pénétrations de deux glorieux étalons qui se trouvaient dans les parages, Tove se retrouva sous la douche avec la saine satisfaction du travail accompli. Peu après, elle prit le chemin du retour, sans avoir aucunement répondu aux nombreuses et scabreuses avances des hommes, acteurs et techniciens qui rôdaient alentours. C'était une jeune femme extrêmement sérieuse.      


Au moment où elle allait pénétrer dans son appartement, Tove sentit brusquement une force étrange l'assaillir et l'étouffer. Elle n'eut aucunement le temps de réaliser, et ce n'est qu'une demi-heure plus tard, quand elle se réveilla, qu'elle comprit qu’elle venait d’être victime d'une agression. En effet, elle se retrouvait bâillonnée et ligotée dans son propre appartement, sous le regard concupiscent d'un individu qui n'était autre que l'étrange Octavio.   

— Je m'en doutais, dit-il, quand il vit que l'effet du somnifère disparaissait, je savais bien que tu te baladais sans!   


Ophélie Conan

Extrait de "Une grande fille toute simple", publié dans "Chronique d'une petite mort désirée 1"


J'ai illustré cette tragique histoire de la jeune Tove, par quelques tableaux d'Eric Fischl (né en 1958). C'est un peintre, graphiste et sculpteur américain néo-expressionniste qui, depuis les années 80, peint le déclin de l'American way of life. Le bonheur et le drame cohabitent dans ses œuvres. On reconnaîtra celles-ci en n° 2, 3, 7, 8, 9, 10, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 37.

Marianne

Commentaires

  1. Un délice que celui d'avoir lu dans l'émotion ce texte,

    Un choix et et acte intentionnel après avoir regardé et découvert le défilé des images. Merci au passage d'avoir sourcé les oeuvres picturales, c'est intéressant comme a un jour fait Elisabeth à propos d'une oeuvre en particulier. J'ai remarqué cette nuit une oeuvre de Von Stuck et c'est d'autant plus riche lorsque l'on ressent une émotion par rapport à une oeuvre d'en connaitre l'auteur, la génèse, etc. D'autant que tes choix sont excellents et parlent, transmettent...

    J'ai une question à ce sujet.....? D'où viennent ces collections-recueils d'Images ? Comment justement les cueilles-tu....? Les classes-tu...? Je suis curieux par je suis moi-même collectionneur....

    Je suis beaucoup moins sensible aux photos mais tes compositions leur offrent réellement une vie toute autre....devant parfois picturales pour certaines. Bravo et merci, car voilà belle introduction à ce texte charmant et bien mené pour un certain suspens découverte, qui tient davantage du fantasme que d'autre chose qui laissait penser d'entrée à une nouvelle plus "ordinaire et érotique....

    À propos de la photo 6, elle m'interpelle vivement car je suis un amateur de créations d'objets intimes en tous genres et il se trouve que j'ai réalisé une série de tubes analogues aux contenus colorés, musicaux et chatoyant du style de celui que la dame glisse en elle.... Même si celui ci semble un sextoy peint de type "crystal"... Les miens sont composés de matières et d'objets en tous genres...
    Et encore merci encore pour cet émoi littéraire et des plus charnel du matin!

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    1. Je m'étonne que tu dises que j'ai sourcé les œuvres picturales, car je ne le fais pas, volontairement. Je veux que la lecture des images suscite l'émotion, plutôt que d'apporter un savoir. Il est toujours temps de faire des recherches ensuite, si l'on est intéressé par telle ou telle image. Effectivement, dans "Lilith", il y avait une œuvre de Franz von Stuck. C'est un peintre vraiment fascinant, et j'ai l'intention d'en faire le support d'un billet prochain. Quant à mes collections, je me sers de celles d'Ophélie, mais je fais aussi comme elle, j'en recherche sur le web. Je les assemble soit au hasard, soit de manière thématique (autour d'un peintre, d'un photographe) ou par analogie de formes, d'ambiance ou de couleurs. En fait, je reprends la méthode d'Ophélie.
      Pour ce qui est du sextoy de l'illustration 6, je ne saurais t'en donner les références, n'en possédant pas de semblable. Bravo si tu en conçois de cette sorte, ce doit être une activité passionnante et enrichissante qui demande - pourquoi pas? - un sens artistique confirmé.

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    2. J'ai bien remarqué que de manière générale, tui ne sources pas les oeuvres pîcturales, pas davantage que les auteurs des clichés photographiques... Sinon que j'ai lu la mention d'Eric Fischl et cela m'a paru intéressant de le voir mentionné pour alle voir et savoir à proppos de son travail...

      Mais je procède de même, hormis pour l'usage que je fais de certaines photos de "Fil" que je détourne généralement et je le cite parceque je le connais et que c'est convenu entre nous...

      Et merci pour la réponse quand à l'ordonnancement des cueilletes d'images. Je procède personnellement par thèmes: Ténèbres, Chambres Étroites, Nature, Madame Bovary, Lutte, Parures, Linges et Lumières, Vénus, etc. L'arborescence est importante et c'est passionnant! Ces cueillettes m'ont beaucoup apporté et nourri un imaginaire au terreau très fertile!

      Je découvre que ce charmant texte est d'Ophélie, en effet, la mention de son nom apparait en gris clair sur fond blanc ce qui l'a rendu invisible à mon premier regard. Belle écriture!

      Les créations de sextoys et d'accessoires, tout comme de scénarios sont le fruit de l'Amour. Une de mes amies-compagne s'est un jour faite dentellière pour confectionner des bracelets et des colliers de dentelles pour nos attaches et nos moments de Volupté les plus beaux et les plus merveilleux que je n'ai encore jamais vus.... et je découvre combien les sextoys concus, choisis et réalisés pour l'intime de ses partenaires sont générazlement ceux qui produient le plus d'effets..., notamment dans les profondeurs relationnelles... Il en va bien évidemment de même pour les accessoires, mais je crois savoir que le Presbytère est un Univers très créatif et dynamique en la matière, de ce que j'ai pu lire de ci de là...
      L'Amour est un art ai-je entendu dire,

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    3. Des sextoys, nous en avons une belle collection au presbytère, en effet, mais ils proviennent du commerce par Internet. Nous en faisons un grand usage, ce qui fait que nous finissons par les user, sauf ceux qui sont en verre, évidemment.

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  2. Le récit qui accompagne le post est très beau. Une grande fille simple, avec ses propres secrets et sa propre vie. La série d'images est un festival de plaisir. La sexualité féminine domine de manière impressionnante et j'avoue que c'est merveilleux. Certaines images sont un hymne à l'érotisme. Je souhaite une bonne nuit.

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    1. Le récit qui accompagne le post est seulement le début d'une nouvelle d'Ophélie. Je trouve qu'elle avait beaucoup de talent pour raconter des histoires, surtout érotiques. Depuis qu'elle est morte, j'essaie de faire revivre son œuvre et son esprit dans ce blog.

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  3. J'ai adoré ce récit et pour moi, il n'est pas l'effet du somnifère, mais une expérience passionnante d'une femme déterminée! La chute avec l'agression et le somnifère est cocasse mais tout ceci ressemble à Ophélie. Le début est passionnant : un tournage de film, quelques imprévus ( il ne faut jamais couper dans ce cas ), et la femme qui est heureuse de l'ensemble. Ceci me fait songer aux premiers écrits d'Ophélie où elle se décrivait souvent en se regardant dans une glace. La grande fille simple est une des Ophélie (s) qu'elle nous présente au fil de ses nouvelles. J'aime beaucoup les tableaux néo-expressionnistes.

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    1. C'est le début d'une de ses nouvelles. Il est vrai que cette fille est certainement un portrait d'elle!

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  4. Sans avoir lu la suite, je me demande si cette jeune fille sexy d'apparence sage (du moins au début), fait un rêve-cauchemar sous l'effet du somnifère, ou si elle a été agressée après son "travail".
    Quoiqu'il en soit, que ce soit une actrice bien réelle de porno, ou que ce soit un rêve, Tove est coquine à souhait, sous la belle écriture d'Ophélie. Et tu sais le faire aussi, Marianne, je veux dire conter de belle manière des aventures érotiques.
    Tes illustrations sont encore remarquables. (hummm, la 34)

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    1. Hélas, ce n'est pas un rêve pour Tove. Ophélie aimait bien raconter des choses horribles, en rapport avec la mort. C'était là son côté "Lilith".

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  5. Oh ! Le gif 34... Quelle délicieuse audace.

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    1. Oui, c'est encore meilleur à l'insu des autres, surtout s'ils sont proches comme dans ce gif!

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