Pensées d'automne

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Seules et sans nous cacher, nous nous masturbons souvent. Quand l’une entre dans une pièce ou, à la belle saison, dans un coin du jardin, il n’est pas rare qu’elle découvre l’une des deux autres en train de se donner du plaisir en solitaire. Alors, l’intruse l’imite. Rarement, la coquine prise sur le fait exprime sa volonté de rester seule, elle accepte cette présence, et ainsi les deux se masturbent ensemble, l’une en face de l’autre, en se regardant. Elles mélangent leurs orgasmes qui sont alors plus intenses. Souvent d’ailleurs, le jeu se termine à trois. J’adore ces moments étranges, cette vie entre filles libérées et sans tabous, et je ne regrette rien de mon ancienne vie d’épouse BCBG.


C’est l’hiver bientôt. L’automne a été doux et accueillant, et les occasions pour Marianne et moi d’aller nous promener nues n’ont pas manqué cette année. Les forêts, en particulier, nous attirent, surtout ces belles rousses en lesquelles la vie se tend du cœur à la pointe de nos seins. Je ris encore de la grande peur que nous avons eue un de ces dimanches derniers, quand Marianne et moi sommes allées dans la forêt de Carnoët. Comme d’habitude, nous avions fait la route seulement vêtues de très longues robes-chemises, sans rien dessous, complètement déboutonnées jusqu’en bas. Il ne faisait pas froid. Je conduisais et, comme d’habitude, durant tout le trajet, mon amoureuse caressait mes seins, les triturait, les mordait, les suçait avec délectation. Quand nous roulons en voiture, généralement celle qui ne conduit pas fait ça à l’autre. C’est un petit jeu très très coquin qui nous excite beaucoup. De ma main libre, quand je le pouvais, je la pénétrais avec mes doigts.


A l’entrée de la forêt, nos lèvres se sont avancées pour se souder, et nous avons entrepris une balade à pied, robes-chemises toujours déboutonnées, et comme nous ne rencontrions personne, nous avons fini par les ranger dans notre petit sac à dos. Mouvant paysage. Soleil incessant entre les feuilles. Merveille intégrale. Excitées, un peu décoiffées par la peur et le poids de l’air, nous avons continué, main dans la main, à nous enfoncer dans la forêt profonde, comme de folles et téméraires amoureuses romantiques, prisonnières de notre désir sans limites. Naturellement, nous faisions souvent de longues stations debout, enlacées, parfois adossées contre un arbre, pour nous bécoter, nous caresser, nous lécher. Nos doigts étaient tellement occupés qu’en nous retournant soudain, nous nous sommes retrouvées, joliment confuses, face à un couple de retraités. On a voulu remettre nos robes, mais à quoi bon. Inaccessibles. Prises en flagrant délit! Notre désarroi a fait sourire le monsieur, puis la dame, et tous deux restaient immobiles, sans doute aussi gênés que nous. On les a salués gentiment, en sexe-cusant, et ils ont poursuivi leur chemin. Eux disparus, on n’a pas pu s’empêcher d’éclater de rire.


Nous nous sommes remises en marche, sans remettre nos robes-chemises. La cicatrice vivait en nous. On a découvert une jolie clairière ensoleillée où nous nous sommes allongées. Pour chacune, il y avait le corps de l’autre qui brillait, et tous ses mouvements, l’inclinaison de sa tête, ses bras que nous ne comprenions pas, ses yeux qui ne voulaient rien dire, ses cuisses qui s’ouvrait sur la mousse, et justement cette mousse qui se prêtait si bien aux ébats, aux bisous, aux caresses, et en elle ivre morte, tout cet infiniment petit qui luttait silencieusement, minutieusement, jamais à tort et à travers, et dans le ciel, ces instants de lumière, ces ombres qui s’inclinaient mollement, et entre nous ces effleurements, ces titillements, ces suçoteries à n’en plus finir… A un moment, elle a ouvert notre sac à dos et sorti tous nos godes dans l’automne. On a gamahuché dans un paradis tendre et vu souvent le monde à l’envers, les rayons du soleil qui labouraient les feuilles des arbres, et notre sang qui bondissait dans nos tempes.


Ophélie Conan

Extrait de "Conan la barbare II" (jeudi 11 décembre 2014)

Publié dans "La dérive"


Je retrouve la beauté de ces émotions, si bien décrites par Ophélie, dans ces tableaux d'Alphonse Osbert (1857-1939). Ce peintre français, ami de Maurice Denis, de Pierre Puvis de Chavannes et de Stéphane Mallarmé est un symboliste majeur très délicat. Je ne peux m'empêcher de penser que dans ses paysages idylliques et lumineux, ses personnages féminins contemplatifs ne sont autres que de jolies lesbiennes amoureuses et rêveuses. Les œuvres que j'ai choisies de lui sont en n°1, 4, 6, 8, 10, 12, 13, 18, 19, 20, 21, 22, 29, 31, 32, 36, 37, 41 et 42.

Marianne

Commentaires

  1. Le couple de retraités chanceux va se souvenir longtemps de votre rencontre. La randonnue, comme la cyclonue, est pratiquée par certains groupes de naturistes, mais je ne pense pas qu'ils fassent des pauses-godemichets dans les clairières...
    J'aime beaucoup tes illustrations où les jolies filles sont souvent trempées. Surtout le gif 24 qui donne envie d'être à la place de l'une des deux complices.
    Bise mouillée.

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    1. Sans doute que ce couple se souvient de nous. Moi, je les revois encore dans mon souvenir. J'ai eu très peur sur le moment, mais c'est un bon souvenir. Oui, le gif 24 donne envie... C'est vrai que l'eau est très présente dans les images érotiques, mais elle l'est aussi dans les tableaux d'Alphonse Osbert!

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  2. Je ne sais si c'est le cas mais le tableau 8 m'a fait penser aux piscines qui sont dans les hammams et saunas. J'allais souvent dans ces lieux jadis. Tout me porte à croire que l'arrivée desdits retraités fut un stimulant pour le désir. Le talent littéraire d'Ophélie laisse une grande place à l'imagination du lecteur tant au sujet des ébats que des reflets des corps dans la forêt.

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    1. Tu as raison, le tableau 8 fait penser aux piscines de hammams. C'en est certainement une. Oui, je trouve aussi que le style d'Ophélie n'en dit pas trop et laisse le lecteur imaginer...

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  3. Très belle histoire vécue, joliment décrite par Ophélie.
    Il faut attention, quand même, les retraités ont le cœur fragile.
    J'aime la douceur des peintures, mais aussi les photos qui se mêlent à elles.

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    1. Merci Gil (de la part d'Ophélie et de moi). Bonne journée.

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