La visite d'Olivier et Sacha


Ces mots sont d'Albert Einstein. Au terme d'une conférence à Washington, quelqu'un lui aurait cette question: "Quelle est la différence entre la théorie et la pratique", et le physicien aurait répondu ce que vous venez de lire sur cette plaque émaillée.

J'ai trouvé ce propos très drôle, mais je ne pense pas qu'il puisse s'appliquer à notre vie actuelle au presbytère. A l'inverse, on ne peut pas dire non plus que tout marche et que nous savons vraiment pourquoi. Mais la vie est ainsi faite, elle est parfois compliquée et pas toujours compréhensible...

Dimanche dernier, il faisait un vilain temps, et nous avons reçu Olivier et Sacha au presbytère. Nous leur avons présenté Joséphine qu'ils ne connaissaient pas. Nous leur avons aussi fait visiter le rez-de-chaussée de la maison (pas les chambres de l'étage, pleines de godemichés), ses communs et son jardin. Tous deux étaient fort surpris par la taille de notre maison. Dans le jardin, Olivier a remarqué un problème. Il s'est aussitôt proposé de venir tronçonner et débiter un frêne envahissant qui menace la toiture des communs. Les garçons étaient également surpris par les huit matelas que nous avons disposés à même le sol dans le petit salon. Ils ont très bien compris à quoi ces matelas servaient, mais ils n'ont rien dit. Sacha a juste murmuré: C'est une très bonne idée!

Dans le grand salon, nous avons pris thés ou cafés avec tarte aux pommes et crème anglaise, et avons bavardé. Contrairement, à notre dernière rencontre dans le bar de Bellême, la conversation était animée. Les garçons nous ont raconté la manière dont les gens de C. nous percevaient. Il se dit sur nous toutes sortes de choses étranges, par exemple que je suis venue m'installer à C., dans ce presbytère, avec ma mère et mes deux grandes filles, pour ouvrir une fabrique de lingerie pour femmes, ou encore un cabinet de psychanalyste. Bien entendu, nous serions des Parisiennes, venues dans le Perche (comme un grand nombre de nouveaux habitants), et serions originaires du sixième arrondissement (sans doute comme ma grand-tante Isabelle qui habitait le sixième). Il ne se dirait rien, du moins, pas encore, sur nos pratiques sapphiques. Ceci prouve que nous avons été extrêmement discrètes, malgré quelques sorties nocturnes dans notre jardin ou dans les rues du village...

Selon Olivier et Sacha, il y aurait plein de loosers alcoliques ou habitués de la fumette, dans ce village. On les rencontre le soir, jusqu'à assez tard, dans le bar-épicerie, où ils dégoiseraient toutes sortes d'inepties et de saloperies sur les uns, les unes et les autres. Il y aurait également un club tricot réunissant plusieurs vieilles dames respectables, deux à trois après-midi par semaine, dans une arrière salle du bar-épicerie, dont le fiel serait extrêmement redoutable pour la notoriété de tout un chacun et de toute une chacune.

Pour recevoir nos deux sympathiques garçons, l'un barbu et l'autre mal rasé, nous nous étions évidemment habillées de manière non ostentatoire. Pas de décolletés, pas de nichons à l'air, pas de jupes fendues, pas de cuisses en goguette. Rien que du soft et du érotiquement correct. Pourquoi les provoquer? Durant tout le temps de leur visite, Olivier et Sacha se sont montrés joyeux, blagueurs et visiblement contents et fiers d'être avec nous. Olivier (le barbu) nous a même parlé, souvent en riant un peu bêtement, de sa difficulté à faire admettre son homosexualité à ses parents, surtout à son père qui, pourtant, côtoie plus ou moins les milieux du cinéma, en tant que décorateur. En fait, nous a-t-il expliqué, le papa n'est pas vraiment décorateur, mais fabrique, toutes sortes d'objets en bois et en métal, qui lui sont commandés par un décorateur de cinéma. Savoir que son grand fils est "un petit pédé" a été, pour lui, la honte de sa vie, une honte absolue. Pendant plusieurs années, d'ailleurs, Olivier n'a plus jamais remis les pieds chez ses parents ni chez ses oncles et tantes, ni même chez ses grands-parents! Maintenant, tout va mieux. La pilule est passée, et Olivier peut rendre visite à sa famille avec Sacha.

Au moment du départ (il faisait nuit), Olivier et Sacha se sont arrêtés dans le petit salon et ont regardé un long moment, sans rien dire, les matelas étalés sur le sol. Puis, Sacha a recommencé: Oui, c'est une très bonne idée! Ce doit être sympa! Mais il faut de la place! J'allais lui dire que oui, que c'était sympa, quand Olivier a rétorqué: Tu sais bien, Chéri, que ma maison est trop petite pour mettre des matelas comme ça! Il nous faudra encore attendre l'été pour faire des galipettes sur la pelouse! Et il se mit à rire très fort et bêtement, comme à son habitude, mais il est très gentil et attachant.

Dès leur départ, Gaëlle a dit: Ce sont des beaux mecs, mais ça ne me donne pas envie de leurs bites qui doivent être pourtant bien grosses! Honorine a ajouté: Moi non plus, je préfère ta jolie chatoune et tes gros nénés splendides, ma-petite-chérie-mon-amour! Puis, après une série de rires étouffés, Gaëlle m'a demandé: Eh, Marianne, tu crois que... qu'avec leurs grosses queues... tu crois qu'ils s'enculent, Olivier et Sacha? ou bien qu'ils se font des soixante-neuf? J'ai répondu à l'innocente: Mais j'en sais rien, ma chérie, comment veux-tu que je le sache? Tu poses de ces questions, ma poulette!

Ils sont partis, sans que j'ose parler à Olivier de nos projets d'équipements des communs. Je reconnais n'en avoir pas eu le courage. J'ai eu peur de les choquer. Mais j'ai pensé après que c'était plutôt bien, qu'il eût été sans doute trop tôt de lui faire cette demande. Olivier reviendra pour abattre le frêne, et là, ce sera le moment de lui en parler. Mais zut! Nous n'avons pas fixé la date pour le frêne. Gaëlle le fera.

Marianne

 

Commentaires

  1. Tu peux préciser à Gaëlle que le caractère cochon d'un acte érotique n'est pas l'enculade ou le 69. C'est l'ordre dans lequel on pratique les deux.
    (Ce n'est pas une pensée d'Einstein)
    Ses réflexions prouvent qu'elle s'intéresse malgré tout à la chose. On a toutes et tous un côté hétéro plus ou moins refoulé...

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  2. La citation d'Einstein est très belle : est-elle toujours vraie dans la réalité? Je l'ignore. Félicitations pour le cabinet de psychanalyste : Ophélie nous avait proposé un mode d'emploi désopilant avec la sexe-thérapie... S'ils ont longtemps regardé les huit matelas, sans doute est-ce parce que vous êtes quatre : ils n'ont sans doute pas prévu vos invitations à des partouzes. N'auraient-ils jamais vécu de partouze? Dans un autre logis que celui où j'habite actuellement, il y avait sept matelas, je crois! Un homme sembla en avoir peur sans que j'en comprenne la cause! Je recevais souvent des amis de passage ( un reste des coutumes de broussarde ) sur des plaques de mousse trop usées pour me suivre là où je suis. L'intimité se déroulait sur ma plaque de mousse de 120 centimètres de large... Toutes les couleurs de peau y sont passées. Ma petite expérience de partouze eut lieu chez une amie dont j'ai piqué l'amant.... Avoir huit matelas, c'est très pratique! J'avais, pour ma part, fabriqué une sorte de divan avec un lit pliant, possédant deux matelas posés à l'horizontale et un matelas à la verticale avec des coussins-oreillers. J'aimerais bien le refaire à nouveau, mais en ce temps-là, je portais les plaques de mousse sur ma tête dans le métro. Ma petite invalidité ne me le permet plus. Il me faudrait alors commander. Quant à mon lit personnel, je ne sais quels excès j'ai commis, mais un de ses pieds est tordu! Excès de galipettes chaudes et rythmées... C'est une très bonne idée d'attendre qu'Olivier revienne pour abattre le frêne. Le sixième arrondissement de Paris est très chic mais c'est un arrondissement où le marché immobilier a des coûts très élevés. C'est un quartier sympa avec toutes sortes de choses pittoresques. Je songe à La grande épicerie du Bon Marché pour les miels de tous parfums qui semblent intéresser Gaëlle lorsqu'ils enduisent des seins, et pour une très bonne collection de thés. J'ai un faible pour les thés Mariage ( non, je ne plaisante pas ), et j'en ai découvert à la menthe et sans théine ( thé roiboos rouge ). Désormais, je les trouve moins cher dans une boutique dite biologique du même arrondissement. Naturellement, Mariage avait nommé ce thé à la menthe : " thé du Sahara ".

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    1. Nous aussi, nous aimons bien les thés Mariage. En ce qui concerne de savoir si Olivier et Sacha font des partouzes (entre mecs, je suppose), je ne puis te répondre. Et merci pour ce long et fantasque commentaire, très "Elisabéthain".

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  3. I hope that Ol. & Sa. will not give away your secret in the village, though I fear that sooner or later it will transpire. Do your best to protect your marvelous Sapphic thyasus!

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    1. We will do our best, being very careful. Thank you, dear friend!

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  4. Oui, j'aime bien l'affiche d'Einstein, aussi.
    Ça a dû vous faire drôle d'inviter un couple de garçons.
    J'aurais aimé être petite souris pour voir votre stress.
    Ou mieux faire partie de la visite...mais j'ai oublié, je suis hétéro.
    Les huit matelas ont l'air d'intriguer Sacha.
    Il insiste...A quel but ?
    Pas de réflexions sur les machines à gode. Pas vu, peut-être.
    J'aime bien, également, vos discussions de la fin.
    Vos avis diVERGEnt et me font sourire.
    C'est sûr, ça doit jaser au bistrot du coin.
    En tous les cas, c'est bien conté, Marianne.
    J'adore ton style et je perçois, même, des pointes d'humour.

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    1. Merci, Gil. Oui, les matelas à même le sol, ça intriguait Sacha. Il a dit, à la fin, qu'il aimerait bien ça, là où il habite avec Olivier, mais c'est, d'après Gaëlle", une tout petite maison qui, de plus, est en travaux d'aménagement. Il n'y a donc pas la place de disposer des matelas sur le sol.
      Non, ils n'ont pas vu la machine. Nous ne leur avons pas fait visiter les chambres à l'étage.
      Bise.

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