Madame et Monsieur

Joris Ivens - A Valparaiso


Madame et Monsieur



— Eh bien, Djamila, qu’attendez-vous? demanda Madame. Vous rêvez, ma petite! Ce n’est pas possible, cette fille me fera mourir!


Djamila écarquilla grand ses yeux et alla prendre la montre qui était restée sur un des présentoirs. De nouveau, pour la centième fois au moins, Madame la compara à toutes les  autres.

— Je la prends, dit Madame, soudain décidée, elle me plaît. 

— Elle est vraiment très jolie, vous ne le regretterez pas, Chère Madame, répondit l’homme. C’est une si bonne marque!


Il était ventripotent et gras. Il esquissa un geste discret, une sorte de signal qui fit bondir une jeune vendeuse.

— Est-ce pour offrir? demanda celle-ci, avant d’entreprendre un joli paquet décoratif.

— Non, c’est pour moi, mais faites quand même un paquet pour offrir, dit Madame, en suspendant un instant l’écriture de son chèque.


La place Vendôme était presque déserte. Madame se remit à hurler.

— Djamila, petite sotte, qu’attendez-vous? Vous ne comprenez donc pas qu’il faut tout de suite dire à Georges que je suis sortie et qu’il peut venir me chercher ici. Je vous attends, et remuez vos fesses, que diable!


Djamila bredouilla des mots inaudibles en guise d’excuses et partit en courant. La grosse berline de Madame ne tarda pas à apparaître. Quand Madame y fut confortablement installée, de nouveau, elle sermonna sa petite bonne, lui faisant comprendre qu’elle était précisément bonne à rien, et que si ce fâcheux comportement devait persister, elle ne tarderait pas à lui donner son congé.


Au pied de l’immeuble, Djamila se chargea de tous les paquets et emprunta l’escalier pour permettre à Madame d’être parfaitement à son aise dans l’ascenseur. Dans l’appartement, Djamila regarda sa maîtresse déballer et admirer ses nombreuses acquisitions. Djamila trouvait beau tout ce que Madame avait acheté: le foulard, la robe, le tailleur, la petite statuette, le pendentif, le parfum, la montre Cartier... Elle se disait que Madame avait bien de la chance d’avoir un mari si riche. De plus Madame était si belle et si bien habillée… 


Madame retira son blouson en mouton retourné dont le col d’astrakan et le bas des manches étaient brodés de perles multicolores. Du même coup, elle donna à admirer un superbe gilet chiné en laine de mohair. Il s’arrondissait sous la pression de sa poitrine. Assise, Djamila put admirer les bottines lacées en cuir gras de Madame, sous sa longue jupe gypsy en panne de velours à rubans. Djamila pensa que Madame avait vraiment l’air d’une nomade du désert.


On sonna. Comme prévu, c’était Solange. Djamila la fit entrer. La jeune femme portait un gilet dos-nu piqué de coton blanc sur une jupe en polyester noir, fendue sur les côtés. C’était ce qu’on appelle un smoking, mais nouveau genre, pour femme. Djamila trouvait que l’amie de Madame s’accoutrait d’une drôle de manière et que cette fois, elle ressemblait à un oiseau de nuit blanche. Elle la regarda s’avancer dans le salon, haut-perchée sur ses escarpins en plastique et cuir verni noir, et vit tout de suite que les judicieuses et fatales fentes de son smoking ne cachaient strictement rien de ses seins et de ses longues cuisses. 

— Ta maîtresse est là? demanda la jeune femme, d’une voix qu’elle voulait ensorcelante.

— Oui, Mademoiselle, je vais la prévenir.


Dans la cuisine, Djamila commença à préparer le dîner. D’abord, elle entendit les cris de retrouvailles des deux amies qui parlaient haut et fort, riaient, étaient admiratives et employaient toutes sortes de superlatifs. Madame était fière de montrer à Solange ses nouveaux achats. Solange ne cessait de répéter de sa voix ensorcelante:

— Comme c’est sympa ! Vraiment, c’est très sympa! Où as-tu acheté celui-ci, ma chérie?  


Puis, le calme revint dans le grand appartement et Djamila ne s’en étonna point. A pas feutrés, elle s’approcha de la porte du salon et constata que Madame et Solange, comme d’habitude, étaient tendrement enlacées dans le grand canapé mauve. Elles s’embrassaient fiévreusement à bouche-que-veux-tu. En même temps, elles se caressaient les seins. Madame n’avait évidemment aucun mal à saisir ceux de Solange à travers les fentes de son smoking, mais en revanche, Solange était moins à son aise. Pour lui faciliter la tâche, Madame retira son beau gilet chiné en laine de mohair, son corsage, puis dégrafa son soutien-gorge. C’était un magnifique soutien-gorge couleur saumon, en dentelle de Calais, parfaitement emboîtant et au maintien impeccable. Un vrai travail de dentellière. Aussitôt enlevé, Solange embrassa la jolie poitrine, puis se mit à en sucer les petits bouts. Excitée, Madame s’allongea sur le canapé mauve et regarda Solange remonter très haut sa jupe gypsy en panne de velours à rubans, puis se laissa  caresser l’intérieur des cuisses. 


Depuis huit mois qu’elle était dans cette maison, Djamila avait bien remarqué que Madame aimait les femmes et surtout, qu’elle avait la libido aventureuse. Sa fidélité à son mari et même à son amante en titre était très relative. Madame pouvait littéralement craquer pour un détail, l’ourlet d’une lèvre, une voix, de jolies mains, la naissance d’une belle paire de seins, les dessous entrevus d’une amie… Tout cela pouvait lui liquéfier l’entrejambe et prouvait qu’elle n’avait pas besoin de se raconter des histoires d’amour pour mettre une autre femme dans son lit. C’était par plaisir ou simplement par curiosité. Elle était comme un homme, c’est-à-dire qu’elle en avait presque toujours envie. 


Djamila avait aussi remarqué que Madame n’avait jamais cherché à la séduire. Sans doute parce qu’elle n’était que la bonne, de surcroît d’origine marocaine, et que Madame n’avait pas pour principe de mélanger les torchons et les serviettes. Peut-être aussi parce qu’elle n’était pas le genre de Madame. Il est vrai que sa maîtresse n’était guère commode avec elle et la rudoyait le plus souvent. Pourtant, elle se trouvait jolie fille, Djamila,  et elle s’estimait plutôt désirable… Pourquoi diable Madame n’était-elle  pas sensible à ses charmes? Djamila ne se sentait pas spécialement attirée par le corps d’une femme, mais les amours lesbiennes attisaient énormément sa curiosité. Pour elle, cela faisait très chic d’être lesbienne, et cela lui paraissait réservé aux femmes du monde, celles de la classe supérieure qui pouvaient jouer entre elles à des jeux plus raffinés, tandis que les femmes ordinaires, elles, devaient se contenter des hommes, comme tout le monde. Djamila soupira. Comme elle aurait voulu être à la place de Solange en ce moment!


Madame s’étira de tout son long et Solange en profita pour lui retirer sa culotte. Elle était également couleur saumon, en dentelle de Calais et assortie au soutien-gorge. Djamila le vit choir, tout fripée sur le tapis. D’où elle se trouvait, debout derrière un grand caoutchouc faisant écran, Djamila pouvait voir exactement ce qui se passait sans être vue. Un long moment, elle s’absorba dans le spectacle de la main nerveuse de Solange qui ébouriffait la toison de Madame, puis œuvrait plus profondément entre ses cuisses. Elle trouvait cela excitant, incitant et incendiaire. Elle ne put éloigner son regard, mais à force, craignant d’être vue, elle retourna dans sa cuisine. Tout en fourbissant ses casseroles, son ouïe exercée lui permettait de suivre l’évolution des ébats. Elle écoutait et entendait distinctement les lancinants petits couinements de Madame qui en disaient long sur la grande habileté manuelle de Solange. 


Soudain, il y eut des voix.

— Allons dans la chambre, dit Madame.


Djamila revint près de la porte du salon et aperçut les deux femmes, de dos, à l’autre extrémité de la grande pièce. Madame était nue et Solange l’était presque. Rapidement, elles refermèrent la porte de la chambre et disparurent. Djamila ne put se résoudre à retourner à son travail. Bondissant comme un cabri, elle vint se poster devant le canapé mauve, avec l’espoir obscur de trouver quelque reste de leurs ébats, un slip ou un soutien-gorge. Mais elle ne remarqua rien. Cependant, avide de connaître le secret, elle s’approcha furtivement de la porte de la chambre et tendit l’oreille. Elle n’entendit rien. Mais, à force, elle finit par distinguer des bruits légers, des bruissements, des frémissements, des froissements, des frôlements, comme des froufrous, puis un murmure, un souffle, une plainte, un soupir… 


Adossée contre la porte, les yeux clos pour mieux imaginer ce que Madame et Mademoiselle Solange étaient en train de faire, Djamila glissa une main sous sa jupe et la plaqua sur son mont, dans son slip. Sa main faisait une légère bosse sous la soie noire. Aux aguets et terriblement excitée, elle commença à se caresser avec deux doigts, les pliant et les dépliant alternativement, l’un prenant bien sagement la place de l’autre. Pendant ce temps, son autre main fourrageuse fourgonnait et farfouillait sous les bonnets de son soutien-gorge. Djamila se mit à  haleter, mêlant harmonieusement son halètement aux  chuintements, aux clapotages, aux clapotements, aux clapotis, aux chuchotements et aux chuchotis qu’elle entendait derrière la porte. Puis, comme sa main s’accélérait, elle proféra des plaintes, des geignements, des gémissements, des râles, des râlements qui se fondirent dans les gazouillements, les babils, les lallations et les clappements de Madame et de son amie.


Une demi-heure plus tard, Solange s’en alla et vers vingt-deux heures Monsieur arriva. Comme il n’avait pas dîné, Djamila dut faire réchauffer son repas. De nouveau dans la cuisine, Djamila entendait Madame qui faisait part de ses achats à son mari. 

— Tu veux voir?

— Inutile, répondit le mari, je te fais confiance.

Puis, après quelques banalités:

— A propos, chérie, je dois t’annoncer qu’au début de la semaine prochaine, je pars en voyage d’affaire au Chili, plus exactement, à Valparaiso. Si tu n’y vois pas d’inconvénient, j’emmènerai Djamila pour qu’elle m’assure les questions d’intendance!


A deux minutes du Barrio Puerto, la rue Prat que prolonge la rue Esmeralda, comme tous les jours, mimait à sa manière Wall Street. Là où les banques, les compagnies maritimes ou d’assurance, les cafeterias luxueuses étaient au coude à coude, les trottoirs étaient brusquement pris d’assaut par une foule pressée de cadres sérieux et de coquettes secrétaires. Une file ininterrompue de minibus et de taxi collectifs crachait des nuages de fumée irritante puis cherchait à se défaire de ce guêpier à grands coups de klaxon.  


Il était dix-sept heures. Djamila, effrayée par ce couloir  infernal, entra dans l’ascenseur Concepcion. C’était l’un des plus anciens et des plus fameux de la fin du siècle dernier. Il permettait d’accéder aux collines qui surplombait la ville. Monsieur lui avait raconté qu’à l’origine, cet ascenseur fonctionnait à la vapeur. Aspirée par cette précaire nacelle de bois montée sur rails, Djamila regarda le dédale des maisons en bois et zinc qui partait à l’assaut des collines qui dominaient la baie. Au-delà des demeures somptueuses, se profilait déjà la pauvreté, la misère... Echappant à la multitude, à la masse, au vacarme, à la pollution, Djamila déboucha sur une terrasse fleurie, calme et silencieuse. De cet endroit brusquement paradisiaque, elle surplomba le monde bitumeux et fou d’en bas, et put se consacrer au merveilleux spectacle de la mer. C’était le paradoxe de cette ville. Dans tous les ports du monde, les points de vue dominants étaient le privilège des riches. Ici, au contraire, c’étaient les pauvres qui tutoyaient le ciel.


C’était au cœur de la colline Bellavista, non loin de l’une des maisons de Pablo Neruda, que Monsieur avait élu domicile, pour son séjour, chez un de ses meilleurs amis. Djamila entra, emprunta l’escalier jusqu’au dernier étage, et regarda derrière les vitres de sa chambre. C’était magnifique. Elle se trouvait au cœur de Valparaiso, au cœur de la baie, au cœur de l’océan Pacifique… De cet endroit, la ville dévoilait par éclair ses blessures intimes. Djamila pouvait voir toutes les maisons de tôle qui n’avaient plus que la rouille comme couleur, les ruelles sales où les hommes et les femmes glissaient comme des ombres parmi les chiens errants.


La jeune fille descendit dans la cuisine et alla préparer le repas de Monsieur, puis elle revint dans sa chambre pour attendre son retour. Il tardait. Elle commençait à s’inquiéter. Tristement, elle regardait le jour qui déclinait lentement sur la baie. Un cargo glissait vers le large. 


Maintenant, la baie clignotait de mille feux. Il faisait nuit. Soudain, la porte d’entrée claqua. C’était sans doute  Monsieur. Dans le haut de l’escalier, elle s’aperçut tout de suite que Monsieur était fâché. Il reprocha à Djamila de n’avoir pas attendu son retour.

— Mais, Monsieur, dit la jeune fille, effrayée, je vous ai préparé votre dîner!

— Ce n’est ce que je veux dire, espèce d’idiote! Tu ne comprendra donc jamais rien?

— Mais Monsieur…


Djamila finit par comprendre qu’elle aurait dû accueillir Monsieur entièrement nue et se précipiter vers lui, dès son arrivée, lui faire quelques gâteries, lui... Monsieur l’insulta, la gifla et se comporta de manière odieuse. Djamila pleura. Monsieur ne mangea rien de ce qu’elle avait préparé, mais à la fin, il se montra plus gentil et essaya de la consoler. Finalement, pour se faire pardonner, il proposa de l’emmener au restaurant. Cette idée ramena le sourire sur les lèvres de la jeune fille. 


Sous les lampions criards de Los Cototos, ils déambulèrent et cherchèrent un endroit agréable. Ils finirent par s’installer sur une terrasse, dans le Barrio Puerto. Pendant qu’ils attendaient d’être servis, une jeune femme, sans doute une prostituée vint danser la salsa un instant devant eux. La fille était belle, avait de gros seins qui ballottaient beaucoup sous son tee-shirt, mais elle disparut sans crier gare. A la fin du repas, Monsieur dit à Djamila:

— J’espère que tu ne m’en veux pas. Veux-tu que nous allions faire une promenade à pied? Est-ce que ça te plairait?


Naturellement, Djamila était d’accord. Ils se fondirent dans la foule bigarrée et bruyante et arrivèrent devant le Valparaison Eterno, où une jeune guitariste brune entonnait des  chansons de Violetta Para. Pendant qu’ils l’écoutaient, Djamila sentit le bras de Monsieur entourer sa taille et l’attirer vers lui. Elle eut peur et le repoussa. Plaza Anibal Pinto, Monsieur invita Djamila à danser un interminable tango qu’un accordéoniste du Cinzano, soudainement inspiré, entreprit de jouer. Tremblante, elle accepta. A la fin, ils reprirent leur promenade. Elle trouva qu’il la regardait d’un drôle d’air. A un moment, sans lui demander son avis, il défit les deux premiers boutons de son chemisier. Elle rougit, mais les reboutonna. Il n’était pas content de son geste et ils arrivèrent près du lac Italia. 

— Si tu voulais, dit-il, tu pourrais être ma maîtresse. Je te donnerais beaucoup d’argent et je te ferais des cadeaux. Mais pour cela, il faudrait que tu sois plus gentille et non me refuser tout comme tu le fais en ce moment! Qu’en dis-tu?


Djamila baissa le nez, boudeuse.

— Ma voiture est restée dans l’avenue Argentina, dit-il, allons-y!

— Non, répondit-elle, je suis fatiguée, je veux rentrer.


Quelques minutes plus tard, ils roulaient dans les avenues presque désertes. La noria des autobus multicolores s’était complètement tarie. Dans deux heures, la meute des camions reviendrait à l’assaut de la ville et les premiers vendeurs de tout et de rien s’installeraient de nouveau aux meilleures places des carrefours. 


Clignotante, les lumières étaient maintenant derrière eux. La route déroulait son long ruban en corniche et permettait de bien voir la mer. Monsieur arrêta son auto sur une esplanade rocailleuse et déserte et regarda attentivement Djamila.

— Maintenant, dit-il d’une voix caverneuse, déshabille-toi!


Le jeune fille ne parut guère surprise.

— Non, Monsieur… Je ne peux pas!

— Fais ce que je te dis, sinon je te laisse ici et je te fous immédiatement à la porte!


Elle n’était pas d’accord, mais l’homme exigeait. Son visage était redevenu méchant, ses yeux lançaient des éclairs. Djamila eut peur et comprit qu’elle n’avait pas d’autres choix que d’obéir. Elle commença par enlever son chemisier, puis sa jupe, mais, une fois en slip et en soutien-gorge, elle s’arrêta de nouveau, malheureuse et hésitante. Elle se mit à pleurer comme une enfant.

— Chiale pas comme ça, dit l’homme, et retire tout. Je veux te voir à poil. Je veux voir tes nichons, ton cul et tout le tremblement! T’as pas envie de t’exhiber?


Elle pleurait.

— Si tu fais un petit effort, je saurais te récompenser. Sinon, tu vas me mettre en colère et tu le regretteras! Allons, ce n’est pas si terrible que ça! Tu n’as pas envie d’être regardée? Tu es belle, pourtant!


En dégrafant son soutien-gorge, Djamila libéra une fort jolie poitrine bien suspendue qui fit briller les pupilles de l’homme. Puis, se soulevant un peu, elle fit glisser son slip et, contre son gré, offrit le joli spectacle d’une touffe brune  à forte pilosité. 

— Pas mal, entendit-elle. Joli châssis. Mais dis-moi, est-ce que ma femme l’a déjà essayé?


Djamila ne répondit rien. Elle ne voulait rien répondre. Elle avait honte.

— Allons, ne fais pas l’idiote. Tu sais très bien de quoi je veux parler. Tu sais que Madame aime les femmes, et tu te doutes bien que je suis au courant. Elle t’a déjà fait l’amour?

— Non, Monsieur.

— En plus, tu es une menteuse!

— Je vous jure que c’est vrai, Monsieur!

— Ne raconte pas de salades, Djamila! Elle me l’a dit!

— Ce n’est pas possible, Monsieur. Je suis sûre que c’est faux! Je sais ce que je fais!

— Elle m’a dit que vous baisez ensemble, très souvent, avec un gode, et que tu apprécie beaucoup!

— Un quoi?

— Ne fais pas l’idiote!

— Mais non, je vous jure! Ce n’est pas possible, Madame n’a aucune affection pour moi!

— Il n’y a pas besoin d’affection pour baiser! De toute façon, ce n’est pas le problème, viens! Allons dehors!

— Dehors! Mais ce n’est pas possible, Monsieur, s’écria Djamila terrorisée, je suis toute nue!

— Justement, c’est ce qui me plaît !


Sorti le premier, l’homme alla ouvrir la portière de sa passagère et l’entraîna à l’extérieur de la voiture. La jeune fille rechigna, mais dut se résoudre à s’extraire de l’habitacle. Elle traînait les pieds en pleurnichant.

— Allons! lui lança son patron, tu n’as pas envie d’une jolie petite promenade en amoureux? Regarde comme la mer est belle, au lieu de chialer. Tu as vu les reflets de la lune sur tes jolis nénés?

— Qu’allez-vous me faire ? demanda Djamila.

— Mais aucun mal! Tu n’a rien à craindre! Je suis même sûr que cela va te plaire!


Une centaine de mètres, plus loin, Monsieur s’arrêta sur une petite plate-forme rocheuse qui dominait la mer. 

— L’endroit est magnifique ici. Regarde, Djamila! Regarde comme c’est beau. C’est l’endroit idéal pour que tu me suces. Je vois que tu en meures d’envie! Allons, mets-toi à genoux!


Bien évidemment, Djamila n’était pas d’accord. Elle voulut s’échapper, mais l’homme, d’un coup sec, la rattrapa par le bras et la fit chanceler. La jeune fille se remit à pleurer de plus belle.

— Allons, ma grande. Sois sage! Quand on est belle fille comme toi, la bite d’un homme ne fait pas peur! On a envie de la prendre, de la sucer, quoi! A moins que tu ne sois déjà une habituée de la pelouse! Agenouille-toi, mon bébé!


En pleurnichant, Djamila s’exécuta.

— Parfait, dit l’homme. Te voici devenue plus raisonnable. Maintenant, ouvre ma braguette et sors ma queue. Elle est en libre-service!


Djamila descendit la glissière et sortit la verge molle de l’être immonde.

— Bravo! s’exclama-t-il, mais maintenant, mets mes couilles en dehors du slip, s’il te plaît. Parfait. Merci. Et maintenant, vas-y, suce, ma chérie! 


Djamila approcha sa bouche du sexe tout flasque et saisit le gland entre ses lèvres. Horrifiée, elle commença à le machouiller en faisant jouer sa langue. Assez rapidement, elle le sentit grossir, devenir raide, et entrer plus profondément dans sa bouche car l’homme, petit à petit, le poussait. Il l’enfonçait de plus en plus et lui imprimait des mouvements de va-et-vient. Bientôt, il atteignit le fond de sa gorge au point de la faire suffoquer. Elle trouvait ça dégueulasse, et il la regardait en souriant. 


Ce type aimait les pipes. Il aimait ça scruter le regard de la fille, à ce moment-là, quand elle avait son énorme machin dans la bouche qui lui bouffait tout le visage. Il trouvait qu’en général, les femmes n’avaient guère d’expression, mais Djamila était vraiment très belle avec ça dans la bouche, elle avait l’air d’une Madone, ça la transfigurait. Pour s’amuser, le type enfonça son truc encore plus profondément, comme pour l’étouffer. Elle eut un haut de cœur et le rejeta aussitôt, les larmes aux yeux.


Mais la chose se réintroduisit aussi vite et elle fut bien obligée de reprendre du service. Elle continua donc de  branler l’homme ainsi, jusqu’à ce qu’il lui ordonnât d’arrêter.

— Parfait, ma petite, dit-il, ironiquement. Maintenant, passons aux choses sérieuses! Mets-toi debout!


Djamila, sans dire un mot, se redressa et sentit qu’il se postait derrière elle. Il passa sa main entre ses cuisses pour vérifier l’état de sa vulve.

— J’espère que tu es prête, dit-il, en cherchant d’abord avec un doigt l’entrée de son con, et que tu es mouillée comme une éponge!


Là-dessus, elle sentit sa bite qui commençait à se frayer un passage. Il poussait. Il forçait.

— Aïe! hurla Djamila, vous me faîtes mal! Arrêtez!


Mais l’homme était sourd à ses plaintes. Il continua.

— Ferme ta gueule, dit-il brutalement. Ecarte les jambes, et penche-toi en avant, ça rentrera mieux!


L’homme, avec sa queue, commença à la ramoner énergiquement. Il avait posé ses deux mains sur ses hanches, mais il l’empêchait de trouver et de maintenir son équilibre, d’autant que, de temps à autre, il abandonnait cet appui pour palper ses seins.

— Tu aimes ça, répétait-il, hein? Tu aimes ça être baisée? Dis-moi que tu aimes ça? Je veux t’entendre me le  dire!


Comme elle restait muette, il vociféra :

— Attends! Je vais te la foutre dans le cul! Je te dis que tu vas aimer ça!

— Arrêtez, Monsieur! hurla-t-elle, je vous en prie! Arrêtez!

— Tu préfères avec ma femme, hein? Petite salope!


Il avait l’air d’un fou furieux. Il copulait comme une bête enragée. Ses yeux étaient exorbités. Djamila avait peur,  très peur. Elle voulait fuir, mais où? 


Toute la nuit, les grandes grues vert pâle fouillèrent les cales d’un énorme cargo chypriote, le Clipper. Toute la nuit, le port grand ouvert sur le large, grand ouvert aussi sur la cité chaotique avait vibré. Maintenant, il se réveillait en douceur. Djamila était harassée.


Des yeux, elle suivit le minibus mandarine qui longeait les quais grillagés où s’empilaient les containers. Le minibus frôla les entrepôts défraîchis, les façades grises et  orgueilleuses, puis contourna un petit arc de triomphe. Au moment où elle le vit disparaître, une main l’arrêta. 

— Ici ça sera très bien, dit-il. Tu es prête?


Elle regarda l’impressionnante montagne de containers,  au-dessus d’eux, et sans dire un mot, elle s’agenouilla. Comme une automate, elle ouvrit la braguette de l’homme et, docile, sans rien dire, se mit à sucer. Quand la queue fut bien raide, elle se redressa, se retourna et, les cuisses écartées, souleva sa jupe et tendit ses fesses nues. Le soleil venait à peine de franchir les toitures. Le ciel aussi était nu, très bleu, et les cerros, c’est-à-dire les quarante-deux collines qui enserraient le Pacifique, n’étaient encore que des isthmes confus, bariolés, qui clignotaient à contre-jour.


La bite entra et fourragea de nouveau ses entrailles comme elle l’avait fait toute la nuit. Avec ses deux mains, l’homme labourait ses seins qui ballottaient nus, sans soutien-gorge sous sa robe. Il pinçait aussi ses mamelons. Il éjacula. Le sperme, en dégoulinant dans la raie de ses fesses, envoya des éclairs lumineux comme des diamants, tandis qu’au loin se mit à retentir la sirène d’un porte-container libérien qui demandait à s’amarrer le long de la darse principale, au sud de la baie.

— Tu aimes ça te faire baiser, redit-il pour la énième fois. Tu es vraiment une salope. Viens, allons en ville, maintenant. On va se prendre un bon petit déjeuner. Je suis complètement crevé! J’ai trop baisé! 


Déjà le port criait, s’affairait, s’énervait. Près du môle Prat, centre du port historique, des touristes et quelques amoureux commençaient déjà à flâner dans l’invraisemblable bric-à-brac des boutiques de souvenirs.  Des pêcheurs s’agglutinaient sur le quai Suramericano et s’apprêtaient à embarquer. Djamila marchait comme une automate. Elle se sentait sale, souillée. Le soleil, déjà ardent, lui faisait mal. Elle avait honte d’elle-même. Elle  s’imaginait que tout le monde savait qu’elle ne portait pas de culotte sous sa jupette. Et puis, ce sperme, elle le sentait qui coulait encore le long de ses cuisses… 


Il avisa une terrasse ensoleillée où ils s’installèrent. De cet endroit, ils regardèrent un groupe de touristes qui s’entassaient sur une "lancha", une de ces barques colorées qu’on pouvait voir, chaque jour, sillonner la baie. Vue de la mer, Valparaiso semblait un immense amphithéâtre moucheté de couleurs crues dont les vagues de maisons dévalaient en trombe vers la mer. 

— Tu m’en veux? demanda-t-il.


Djamila ne répondit rien. Le serveur arriva et leur demanda ce qu’ils souhaitaient consommer. Il commanda deux cafés, du pain et du beurre, ainsi que des croissants.

— Tu ne veux pas me répondre? grogna-t-il. Tu es fâchée?


D’où ils étaient, ils pouvaient voir le quatre-mâts "La Esmeralda", le navire-école de la marine chilienne, stationné le long de la digue du large, en tête des navires de guerre noirs et gris. Ses aspirants officiers étaient suspendus dans ses bastingages comme des insectes disciplinés. 

— Tu ne manges pas? s’étonna-t-il.

— Je n’ai pas faim, répondit Djamila.

— L’influence de ma femme ! Je vois...


Son attention fut détournée par un grand type, impeccable dans son uniforme bleu nuit, qui saluait avec ostentation les marins qui gardaient l’entrée de la direction des Affaires Maritimes. 

— Avec ses régimes, son slim-fast et compagnie, poursuivit-il, tu veux devenir comme elle? Tu veux faire la gousse! Pour ce que ça lui réussit!


Il avala une gorgée de son café.

— Relève ta jupe, dit-il soudain.


Djamila avait très bien entendu, mais elle était  paralysée d’effroi. Comme elle ne bougeait pas, il haussa brutalement le ton.

— Tu n’as donc pas compris? Tu veux une gifle?


De nouveau apeurée, la jeune fille tira légèrement sur le tissu.

— Plus haut, dit-il.


Djamila retroussa davantage.

— Encore plus haut, jusqu’aux poils!

— Mais les passants vont me voir! murmura-t-elle.

— Tu brûles d’envie de montrer ta chatte! Tais-toi et tire-moi ça jusqu’à tes poils!


Djamila obéit et rendit parfaitement visible sa toison.

— Maintenant, écarte les jambes et mets ton pied gauche sur ton genou droit. Parfait. Comme ça, tu as l’air d’une princesse! Tu n’es pas bien dans cette position?


Djamila ne paraissait pas convaincue. En fait, elle avait très peur, mais elle tint la posture en priant le ciel que personne ne la remarquerait. Des gens, sur le quai passaient mais, à dire vrai, ne faisaient guère attention à elle et à son cul. Mais, soudain, elle vit s’approcher le grand type en uniforme bleu nuit. Elle voulut refermer ses jambes, mais son patron le lui interdit. L’homme, machinalement, s’installa à côté d’eux, ne tarda pas à remarquer l’étrange spectacle. D’abord, légèrement amusé, il sourit. Puis, son regard devint rapidement captif. Se levant, il vint s’asseoir à la table du couple.

— J’imagine, dit-il, en s’adressant à Monsieur, dans un impeccable français, qu’il m’est permis de regarder puisque, semble-t-il, ce spectacle est gracieusement offert à tous!

— Comme il est naturellement permis à tout un chacun de regarder les matelots vider les merluzas et les congrios sur le port, répondit Monsieur, vous pouvez même toucher et consommer. Mademoiselle ne vous dira rien, elle agit selon mon bon plaisir. Elle est à votre disposition!


L’homme en uniforme bleu nuit hésita.

— Et bien, allons-y, dit-il. Je connais un petit hôtel, non loin d’ici!

— Ah! J’oubliais! dit Monsieur, à condition qu’il me soit permis d’assister. D’accord?

— D’accord!


Ils se levèrent et se mirent en marche. Ils passèrent devant des adolescents et quelques femmes qui préparaient déjà les lignes de palangres. Sur un long fil de nylon, un à un, ils accrochaient sur chaque hameçon, des alevins de sardine durcis par le gros sel.

— Vous êtes français? demanda l’homme en uniforme, au bout d’une centaine de mètres.

— De Paris! répondit Monsieur, en s’essuyant le front.

— Je m’en doutais !


Ils arrivèrent devant le monument de la victoire. Au fond de la plaza Sotomayor, ils aperçurent l’immense bâtiment gris à frises blanches où siégeait le commandement de la marine chilienne.

— C’est dans cette bâtisse, commenta l’homme en uniforme, en la désignant du doigt, qu’a eu lieu, en septembre 1973, le coup d’Etat militaire du général Pinochet.

— Je sais, répondit Monsieur. Je connais!


Ils reprirent leur marche à pied. Au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la ville, la foule de plus en plus nombreuse s’épaississait, bouillonnait, faisait tanguer les bus de poche qui roulaient au pas. Maintenant, tous les carrefours étaient pris d’assaut par les commerçants clandestins. Devant un vétuste, mais magnifique immeuble qui témoignait de l’âge d’or de la ville, le trio s’arrêta. L’homme en uniforme, avec une politesse un peu feinte,  s’excusa et précéda le couple dans le hall. Le faste  passé de la ville affleurait partout. Non seulement à chaque coin de rue, au détour de chaque place arborée, mais, maintenant, dans cet ancien hôtel particulier dont les restes de splendeur étonnaient. 


Ils gravirent un vaste escalier. Tout en haut, une femme d’un certain âge, très maquillée, leur confia une clé. Au bout d’un long couloir, grâce à la clé, ils pénétrèrent dans une chambre crasseuse, mais finement lambrissée, au milieu de laquelle trônait un lit.

— Et bien, ma petite, dit Monsieur à Djamila, maintenant tu vas aller te laver dans la salle de bain, tu as vu, dans le couloir? Et quand tu vas revenir, tu vas te montrer très gentille avec ce monsieur. Tu vas faire tout ce qu’il désire. C’est bien compris? Je te regarderai pour voir si tu fais bien tout ce qu’il te demande et aussi parce que, maintenant, je suis trop fatigué pour te prendre! Cette nuit, tu m’as tué!  


Djamila sortie, les deux hommes entreprirent une longue discussion. Ils parlèrent abondamment de Valparaiso et tombèrent d’accord sur le fait que c’était une ville qui empoignait d’emblée le touriste. Elle fonçait vent debout, au jour le jour, au coup par coup, prête à tout digérer, à tout subir, à tout vivre. Ils conclurent en disant que ce n’était sans doute pas une ville romantique. mais une ville de chair et de sang, de douleur, de ruptures insensées, de rythmes vitaux, une ville traversée par une alchimie du déclin et qui se moquait des strates d’un passé trop riche.

— C’est d’ailleurs ce qui fait son charme étrange et mystérieux, dit l’homme au costume bleu nuit, juste au moment où Djamila faisait retour dans la pièce. 


Il regarda s’approcher la jeune fille et approcha son fauteuil près du lit, là où elle venait de s’asseoir, puis s’y affala.

— J’ai bien aimé ce que tu faisais, tout à l’heure, dit-il en se grattant le torse, sous sa chemise, tu sais, quand tu exhibais ta chatte dans la rue. Est-ce que tu veux bien recommencer? Histoire de me mettre en appétit!


Djamila, sans dire un mot, retroussa le bas de sa robe et dévoila son sexe nu. L’homme regardait, fasciné.

— Très joli, dit-il. Excitant! En plus, tu es parfaitement obéissante. Ecarte davantage tes cuisses que je voie bien. Tu as une belle chatte, dis donc. Oui. C’est ça. Caresse-toi, maintenant! Oui, c’est bien, branle-toi! Et maintenant, ouvre le haut!


Elle déboutonna son haut, puis l’écarta. Les pupilles de l’homme s’allumèrent à la vue des seins joliment tournés.

— Parfait, dit-il, en ouvrant sa braguette et en sortant son machin déjà tout raide, regarde comme tu me fais bander, ma salope! Déshabille-toi complètement!


En se levant et en passant sa robe par-dessus sa tête, Djamila vit que son patron, assis à l’autre bout de la chambre, avait aussi sortit son truc et qu’il se masturbait.

— Viens t’asseoir sur mes genoux, ordonna l’homme au costume bleu nuit.


Toujours aussi obéissante, la jeune fille vint se placer  transversalement sur les genoux de l’inconnu, à la manière d’une enfant qui s’apprête à faire un câlin, mais l’homme, aussitôt, éclata de rire.

— Pas comme ça, dit-il. Viens t’empaler dessus s’il te plaît! C’est fait pour!


Djamila, remise aussitôt debout, se présenta de dos et avança timidement ses fesses au-dessus des cuisses de l’inconnu, sur le tissu bleu nuit. La pine tendue de l’homme pointait en dessous d’elle. Avec sa main, elle la guida, la dirigea vers son entrée, puis petit à petit, acheva de s’asseoir, bien décidée à laisser doucement s’enfoncer le membre en elle.  

— Parfait ! dit l’homme, c’est ça… Je te sens bien. 


En même temps, il pétrissait les seins à portée de ses mains.

— Bravo, tu as tout compris! Mais ne crois-tu pas qu’il serait tout de même plus plaisant si tu te donnais un peu la peine de remuer maintenant. Qu’en dis-tu?


Tandis que Monsieur regardait la scène en se branlant, Djamila se mit à effectuer les mouvements alternatifs et cadencés qu’attendait son partenaire. A la fois catapultée et retenue, elle semblait rebondir sur place, comme mue par un ressort à coulisse fixé sous ses fesses. Mais, cela ne dura que quelques minutes. Quand l’homme l’exigea, elle cessa sa manœuvre, se désemboîta et revint s’empaler précautionneusement, mais cette fois de face. Ce fut plus facile. La voie étant déjà tracée, le membre entra du premier coup. 


C’est alors que l’homme en costume bleu nuit en profita pour lui cambrer le torse et sucer contre son gré ses bout de seins. Ensuite, elle dut se mettre à genoux, au pied du fauteuil, et sucer la queue de l’homme. A la fin, ce dernier  la prit en levrette, à quatre pattes sur le tapis, et quand il en eut assez, il l’allongea sur le dos, au milieu du lit, et lui demanda de s’ouvrir au maximum, avant de recommencer par devant. De nombreuses fois, il la prit d’assaut, et elle se laissait toujours faire comme une petite chose molle. A la fin, en se retirant, il éjacula, la maculant de sperme jusqu’aux seins. En se retirant, il avait projeté avec force trois grands jets. Atteints, ses seins dégoulinaient. Elle se sentait si misérable qu’elle perçut en elle un étrange désir, celui de tuer…


Minuit. Valparaiso ne dormait que d’un œil. Le port clignotait de loin en loin, comme une balise à court d’énergie. Les bouges à marins ressemblaient à des épaves à la dérive. Les clients du "Siete Machos", perdus dans les lueurs des néons, regardaient d’un œil vitreux le fond de leurs verres de vin blanc. La mouise envahissait les regards. Au loin, dans la baie, une sirène se mit à hurler. Rue Chacabuco, parmi quelques prostituées, une jeune femme se tenait immobile. C’était Djamila. Elle portait une nouvelle tenue. C’était un haut noir à manches longues et une minijupe ultra-courte, fendue sur le côté. Une ceinture en cuir verni noir et des escarpins en poulain très chics, achevaient de lui donner l’allure d’une vraie pute. Un homme l’aborda. Ensemble, ils disparurent derrière une grande porte cochère. 


Dans la chambre, Djamila prit le billet que l’homme lui tendit et s’allongea sur le lit en écartant ses jambes. D’où il était, l’homme vit immédiatement le sexe nu, prêt à l’emploi, tellement la minijupe était courte. Sans attendre, il sortit son machin, le coiffa d’un préservatif et vint s’étendre sur elle. L’homme tira son coup comme un malade, puis, sans dire un mot, disparut. A ce moment, Monsieur qui avait assisté à la scène, sortit d’un placard. Sa queue, une fois de plus, était prête. Djamila savait. Comme un zombie, elle se laissa tomber en arrière sur le lit et sentit le membre qui, de nouveau, fouillait ses entrailles. Elle ferma les yeux, suffoquant de douleur et de colère. La bite allait et venait, rapide, infernale, tyrannique. Puis elle ressortait et Djamila devait la prendre dans sa bouche jusqu’à en dégueuler. Puis elle ressortait encore, et elle devait se retourner, se mettre sur le ventre ou à quatre pattes, et alors, elle la sentait entre ses fesses, s’installer et égoïner dans son anus. C’est du viol, pensait-elle. Ce type est un monstre. Il est complètement fou, il faut le tuer comme un animal enragé. Djamila n’avait qu’une hâte: recevoir la giclée de sperme finale qui mettrait fin, pour un temps, à son calvaire et lui permettait de redescendre dans la rue pour y respirer et s’y sentir libre.


Cela dura trois jours. 


Ils revinrent à Paris. En plus de son ménage et de sa cuisine, Djamila retrouva une vie beaucoup plus calme et sereine. Elle retrouva aussi Madame et Simone dont les amours délicieuses la fascinaient de plus en plus, car ce qu’elle avait vécu avec Monsieur et que Monsieur lui avait fait connaître avec les hommes la dégoûtait profondément. Djamila s’efforça de séduire Madame, mais rien y faisait. Madame n’était peut-être pas insensible à ses charmes, mais elle demeurait hautaine, sans doute fidèle à ses principes. Pour rien au monde, elle n’eût branlé la fille d’un ouvrier marocain. Quant à Monsieur, il était souvent absent, et quand il revenait, il semblait ne plus connaître Djamila. C’est à peine si il lui parlait. Elle voulut se venger.


Un soir, après qu’elle eut assisté à la présentation d’une nouvelle amie de Simone, une certaine Caroline, une jeune fille très belle, que les deux femmes déshabillèrent lentement devant elle, dans le salon, en la tripotant partout, elle décida de quitter son emploi. Elle profita que Madame, Simone et Caroline étaient en train de faire l’amour dans la chambre de Madame, pour faire un dernier tour d’appartement. Dans un petit secrétaire, Djamila savait où trouver le carnet de chèques de Madame. Comme un fait exprès, il ne s’y trouvait pas. Mais elle remarqua la montre Cartier achetée place Vendôme. Elle la mit immédiatement à son poignet.


Le lendemain, Djamila appela d’une cabine téléphonique, et demanda à Madame une rançon de cent mille francs contre des photos et des enregistrements qui pourraient gravement compromettre la carrière de Monsieur. Elle lui raconta en détail son voyage au Chili. Elle dit en pleurant ce que Monsieur lui avait fait subir. Elle affirma aussi qu’elle avait réussi à prendre des photos et des cassettes. Mais Madame refusa de la croire et, d’une voix ferme, exigea qu’elle rendît la montre Cartier qu’elle avait dérobée avant de partir. Djamila refusa.

— Dans ce cas, hurla Madame, tu ne perds rien pour attendre, ma petite, j’ira te dénoncer à la police!


Deux jours plus tard, Madame s’inquiétant de l’absence prolongée de son mari, fit faire des recherches. On retrouva le corps décomposé de Monsieur dans la cave de l’immeuble. Les enquêteurs montrèrent qu’il avait été probablement poignardé dans le dos avant d’être pendu à une poulie, puis, émasculé.


Ophélie Conan (Chronique d'une petite mort désirée 2)

Commentaires

  1. Toujours un plaisir de relire Ophélie.
    Je ne sais si elle avait été au Chili, ou si elle s'était documentée,
    mais avec son écriture parfaite et juste,
    je voyage.
    Et puis, il y a bien sûr, les scènes de sexe, qu'elle savait décrire
    dans tous ces détails.
    Ici, elle dénonce l'esclavage sexuelle qui a dû exister aux temps de la grande bourgeoisie,
    et j'espère de tout cœur, que ça n'existe plus (mais j'en doute).
    Une chose est sûre, les hommes ne sont pas tous comme ça,
    comme cet horrible monsieur. Fort heureusement.
    Madame de la "haute", n'est pas non plus exempte de tous reproches,
    même si elle aime les femmes.
    Merci pour ce petit intermède, Marianne.

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    Réponses
    1. J'aime aussi beaucoup relire les textes d'Ophélie...
      J'ai pas mal voyagé avec elle, mais jamais au Chili. Je sais qu'elle y est allée avec son mari, il y a longtemps. Pour l'intrigue de cette histoire, je crois qu'elle s'est servi du cas réel d'une jeune personne qu'elle a connue, mais qui n'a jamais eu gain de cause judiciairement. Ophélie l'a symboliquement "vengée", en inventant ce meurtre final.
      Marianne

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