A Rome avec Marianne

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Rome est une veille catin toujours jeune et superbe. Une vieille catin qui montre tout, parce qu'à Rome, tout est ostentatoire et répété à l'infini comme dans la pornographie. La pornographie, étymologiquement, c'est le fait de "décrire la prostituée". Ça consiste à montrer sans pudeur et sans réserve. C'est pourquoi le symbole de la création de Rome est bien représenté: une louve, "lupa" en latin, qui donne aussi "prostituée" que l'on retrouve dans "Lupanar".


Bien sûr, avec Marianne, à Rome, nous n'avons pas tout visité, tellement Rome donne à voir. Mais le pire dans la débauche, le plus pornographique de notre séjour à Rome, surtout quand on connaît la vocation sacrificielle et victimaire du message chrétien, c'est le Vatican! Le Vatican est un véritable délire pour voyeur, une profusion de kilomètres à n'en plus finir de salles toutes en longueur, magnifiquement peintes en trompe-l'œil, ornées des plus admirables statues, taillées par les plus grands sculpteurs... Comme l'orgie, comme les gâteaux à la crème que l'on dévore en grande quantité, on finit par avoir une indigestion, surtout que rien dans cette mise en scène grandiose, ne chante les plaisirs du corps léger et désirable de la femme, mais de manière lancinante, l'éternel corps masculin supplicié du Christ et des Saints. Je ne voulais pas retourner au Vatican, dont l'accès, vu du Tibre, le matin de bonne heure, est pourtant superbe, mais ma Normande y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Comment lui refuser cette découverte?


Dès nos retrouvailles à Paris, en gare de Montparnasse où elle m'attendait, Marianne s'est jetée dans mes bras. Ces tendres retrouvailles, après une si longue absence, ont été merveilleuses. Nous avons passé notre première nuit, une nouvelle nuit d'amour, à l'hôtel et, très tôt le matin, sommes parties en taxi à Orly. Nous étions assises côte à côte, derrière le chauffeur, un Chinois trapu et peu causant, et j'ai bien pensé profiter de ce trajet pour faire des caresses à ma bien-aimée, derrière le dos trapu du Chinois, mais je n'ai pas osé, je le reconnais, non à cause du Chinois, mais par crainte stupide du jugement de Marianne. Plus tard, à l'aéroport, dans l'avion, nous n'avons cessé de papoter et de nous dire toutes ces choses que nous savions déjà, mais que nous voulions entendre encore et encore. Bien entendu, Marianne m'a interrogée sur mes nouvelles conquêtes, a voulu tout savoir de Marlène et de Marceline, mais surtout de Rose qui l'intrigue beaucoup. Ainsi, m'a-t-elle dit: désormais, cette fille vit avec toi? J'ai perçu un ton ironique. C'est provisoire, ai-je répondu. Mais vous couchez ensemble, si j'ai bien compris? A ce moment-là, j'ai vu dans ses yeux comme un reproche ou comme une amertume, en tout cas une chose que je n'ai pas su définir ou peut-être qui n'existait pas et que j'inventais. J'ai simplement ajouté: cela te fait mal, ma mie, serais-tu jalouse? Elle a ri, m'a regardée: Moi, jalouse? Au nom de quoi? Tu ne m'appartiens pas, ma chère Ophélie. Je t'aime et tu fais bien ce que tu veux avec qui tu veux, et cela ne m'empêche pas de t'aimer! Je l'ai alors rassurée, et dans l'aéroport Fiumicino, je l'ai enlacée et lui ai dit que je l'aimais comme jamais je n'avais aimé une femme auparavant.


Et puis après, dans le train, nous avons parlé d'elle. Je lui ai demandé comment elle avait justifié cette absence d'une semaine à son mari, mais sur ce sujet, elle est restée mystérieuse et vague. Je lui ai aussi demandé  des nouvelles de ses deux jeunes enfants, Valentin et Constance, et elle m'en a demandé aussi des deux miens, Karine et Pierre,  et aussi de mon blog qu'elle lit attentivement et trouve surprenant. Elle s'est d'ailleurs excusée de ne pas y inscrire plus souvent des commentaires, mais elle l'a justifié en disant qu'elle voulait rester discrète et dans l'ombre, que déjà elle n'y apparaissait que trop... Je lui ai alors demandé, pour la énième fois, si cela ne la choquait vraiment pas que je parle d'elle dans mon blog, que j'y exhibe notre amour et certains éléments de notre intimité, et elle m'a encore donné la même réponse. Cela lui plait, cela l'amuse. Pour elle, cela est une preuve d'amour et cela est aussi la preuve que je suis une drôle de fille, vraiment pas comme les autres, et que cette singularité lui plaît, et même l'émerveille, la fascine…


A notre arrivée à Rome, au sortir de la gare Termini j'ai demandé à Marianne où nous logerions, elle n'a rien voulu me dire. Ne t'occupe pas, c'est mon affaire! C'est moi qui t'invite, donc tu me suis! Je lui ai dit qu'il fallait peut-être que nous cherchions une station de métro, mais elle a aussitôt hélé un taxi et je l'ai entendu parler de la Villa Médicis. Finalement, à ma grande surprise, c'est à la Villa Médicis, à l'Académie de France, dans les quelques chambres dites "classiques", louées au grand public, je veux dire à ceux qui prévoient une location cinq mois à l'avance, que nous avons été hébergées. Dans une grande chambre magnifique, avec un lit à deux places, meubles anciens et fenêtres donnant sur les jardins…


Notre séjour a vraiment été merveilleux. Le matin, nous nous levions assez tard, sauf le jour de notre visite du Vatican. En général, nous nous déplacions en métro ou à pied, avec un petit sac à dos, le Routard et d'indispensables plans de Rome, en nous tenant par la main ou par la taille. Bien sûr, j'étais ravie de revoir la fontaine de Trevi. Nous y sommes allées à plusieurs reprises, de jour et de nuit, mais toujours, hélas, elle était envahie de visiteurs et scrupuleusement surveillée par des carabinieri (en fait, il y en avait partout à Rome, sans doute à cause des événements de Libye). Dans la fontaine, impossible de jouer les Anita Ekberg! Pas davantage dans celle des Quatre Fleuves du Bernin, place Navona! J'étais aux anges. De revoir tous ces beaux monuments, et surtout de les faire découvrir à ma belle Normande me rendait joyeuse et légère. Nous flânions dans les rues comme des écervelées amoureuses (même dans les salles du Vatican), en prenant notre temps, en achetant de temps à autre des "gelati", et en buvant de l'eau "légèrement frissonnante" en petites bouteilles bien fraîches, car l'après-midi, il faisait très chaud. Au Capitole, nous avons été envahies d'émotions, surtout par la vue, en contrebas, du forum romain. Le spectacle de tous ces édifices grandioses, réduits à l'état de ruines splendides et encore majestueuses, nous invitait à méditer sur le temps qui passe et sur la vanité de la puissance des Grands qui s'effondre devant l'œuvre de la Nature et du Temps. Nous avons essayé de repérer les six autres collines, mais ce n'était pas facile: l'Aventin, Le Cælius, L'Esquilin, Le Palatin, Le Quirinal, Le Viminal! Des noms qui chantaient à mes oreilles…


En fin d'après-midi, souvent, nous retournions à la Villa Médicis pour nous reposer et admirer ses jardins, et surtout pour nous ébattre dans le grand carré orienté sud-est, orné de chênes de taille moyenne, à feuilles de hêtre, et au sol tapissé d'acanthes, dont on nous a dit que c'était le jardin des pensionnaires, et au bout duquel se trouvait un haut labyrinthe surmonté d'une fontaine dont l'eau ruisselante et chantante débordait joliment dans ses marches. Inutile de dire que, dans ce grand jardin très vert et dans ce labyrinthe peu fréquentés, surtout quand venait le soir, nous avons eu beaucoup de plaisir à nous photographier plus ou moins dénudées, et à nous livrer à quelques innocents jeux érotiques, parmi les acanthes, ou contre le tronc d'un chêne ou près de la fontaine, avant de regagner notre chambre où, encore, nous poursuivions nos ébats amoureux, ou bien d'aller prendre un excellent repas, en face à face, sur la géniale terrasse de la cafétéria, offrant de Rome une superbe vue panoramique (Soit dit en passant, le personnel de cette cafétéria est charmant). Ensuite, nous décidions de rester à la Villa ou de repartir pour la visite nocturne d'un quartier. Il fallait alors descendre les grands escaliers de l'église de la Trinité des Monts où, dans la journée, se dorait au soleil, de manière permanente, une foule bigarrée de touristes, et rejoindre la place d'Espagne pour s'engouffrer dans la bouche du métro.


A Rome, Marianne et moi étions très remarquées. Nous mêmes mations assidûment les belles Italiennes, presque toujours brunes, presque toujours en leggings noirs ou gris, ou en jean, souvent très sexy, avec des poitrines débordantes et des chemisiers suffisamment échancrés pour ne rien dissimuler. Également, nous avions adopté ces vêtements chics et sports qui nous semblaient bien mettre en valeur les formes d'une jolie femme. Être blonde est assez rare en Italie, et les hommes se retournaient beaucoup sur mon passage, ce qui amusait ou irritait quelque peu mon amoureuse. Il y eut surtout, à la Farnesina, cet Italien insistant, aux cheveux très noirs, costume-cravate, portant beau, qui me collait dans les grandes salles du rez-de-chaussée, peintes par Raphaël, le Sodome et Baldassare Peruzzi. Mais il a suffi que Marianne vînt me serrer dans ses bras et m'embrassât sur la bouche devant les jolis volets intérieurs du premier étage, pour que l'insistant gêneur comprît et prît soudain du large.


Une autre anecdote, mais à Orly. Au départ, au moment de l'embarquement, lors des opérations de sécurité, le contrôleur, ayant remarqué une forme étrange sur son écran, s'est autorisé à ouvrir mon bagage à main. Naturellement, il y a découvert Jules II, un des successeurs d'Amédée et d'Alexandre. Je pense qu'il avait très bien compris, mais il m'a demandé des explications. Je lui ai simplement dit qu'il s'agissait de Jules II, le pape qui avait demandé à Michel-Ange de décorer le plafond de la chapelle Sixtine, qu'il était totalement inoffensif et ne recelait en dedans aucune bombe à retardement! Il a alors souri et refermé mon bagage. Pour baptiser celui-là, j'ai longtemps hésité entre Jules II et Clément VII de Médicis, mais nullement avec Paul IV qui a osé demander à Michel-Ange de voiler tous les sexes de "Jugement dernier" et encore moins avec Benoît XVI!


Enfin, et vous vous en doutez bien, nous quitter, Marianne et moi, fut très difficile. Nous avons beaucoup pleuré, chacune comme une Madeleine (encore une prostituée), chacune pleurant de voir l'autre pleurer, donc je vous passe cette scène pénible qui me fait encore souffrir aujourd'hui, à l'heure où j'écris. Heureusement, nous nous sommes promis de nous revoir très bientôt. A Rome, quand j'y repense, nous nous sommes toujours magnifiquement bien entendues. Pas de conflits entre nous, seulement quelques tiraillements, parfois, sur un lieu de visite ou sur le chemin le plus court pour y parvenir, mais toujours un accord trouvé, basé sur le respect de chacune.


A mon retour à P., hier, j'ai retrouvé ma Rose entourée de fleurs printanières. Elle se porte visiblement bien ma Rose, elle a grossi, a pris des formes excitantes, surtout au niveau des seins et des fesses. Pour fêter mon arrivée, elle s'était bien arrangée, bien maquillée, visiblement pour me séduire. J'ai même découvert, en l'explorant un peu, qu'elle avait sur elle un petit porte-jarretelles qui n'était pas à moi, et aussi pas de slip. Elle m'a aussitôt demandé de mettre un porte-jarretelles, ce que j'ai accepté de faire (c'était une promesse que je lui avais faite avant mon départ) et, dans cette tenue, nous avons fait l'amour dans le jardin. Je l'ai entendue, pour la première fois, entre deux râles ou deux baisers, me dire qu'elle m'aimait. A la fin, elle m'a demandé carrément si je l'aimais. Je lui ai répondu que non, que j'aimais Marianne, mais qu'elle je l'aimais quand même bien, comme une bonne copine. Alors, pourquoi tu me fais l'amour? Parce que tu me le demandes et que cela me fait plaisir aussi, lui ai-je répondu. Je voudrais que tu m'aimes comme tu aimes Marianne, je voudrais être ta chose. J'ai dit que ça n'était pas possible, qu'il fallait qu'elle accepte la vie ainsi, et qu'elle ne devait pas être trop gourmande! Puis, je l'ai félicitée d'avoir fait moultes merveilles dans le jardin, d'avoir notamment pensé à planter des pommes de terre et semer des fèves. Mais à ma question de savoir si, durant mon absence,  elle avait trouvé un emploi, la réponse fut non.


J'oubliais. A Rome, ma fille Karine m'a téléphoné. Elle m'a dit qu'elle avait des nausées qui l'inquiétaient. Elle n'a plus ses règles et pense être enceinte d'Anders, son ami Suédois. Bien sûr, je l'ai rassurée sur la normalité de ces nausées du début de la grossesse et lui ai confirmé que son père, médecin, et parisien comme elle, serait probablement mieux placé que moi pour la conseiller et la faire suivre par un bon gynécologue. Mais elle ne lui en a pas encore parlé, elle préférait d'abord annoncer cette joyeuse nouvelle à sa petite maman gouine et chérie.... Voilà, je vais devenir grand-mère! Ce n'est pas vrai... Comme la vie est bizarre...


Ophélie Conan

("Conan la barbare I")

("Sorcière bien-aimée")


C'était en mars 2011. En publiant ce texte écrit par Ophélie, à notre retour de Rome, j'ai voulu revivre les émois de cette époque. Nous ne vivions pas encore ensemble, Ophélie et moi, mais c'était le début d'une grande passion amoureuse...

Marianne



 

Commentaires

  1. Très jolis souvenirs de moments heureux. C'est finalement le véritable bonheur d'une vie, bien plus que l'entassement de choses matérielles que l'on oublie vite.
    Je n'ai pas encore visité Rome. Tu ravives mon intérêt pour ce voyage.
    Et j'aime beaucoup tes illustrations. Surtout les n° 5 (j'aimerais y gouter aussi), 10, 11, 18, 22 (je suis certain que c'est un masseur, et non pas une masseuse) et 33.
    Bise et bonne nuit.

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    1. Oui, Rome est une ville merveilleuse.
      Quant à l'image 22, si ce sont des bras d'homme, ils sont efféminés! mais tu as peut-être raison!
      Bise,
      Marianne

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    2. C'est surtout à sa jambe poilue que ça se voit.
      Bise et belle semaine.

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  2. Ça doit sûrement te remuer un peu, voire beaucoup, de lire ces souvenirs qui te sont chers, Marianne.
    Mis à part le côté nostalgique et le chagrin, Ophélie était une merveilleuse guide touristique en ce début d'aventures amoureuses entre vous deux.
    Pour ma part, en vous "suivant" toutes les deux, j'ai retrouvé des endroits de Rome que je connais également. J'étais logé pas très loin de la Villa Médicis, mais dans un hôtel.
    J'aime bien les illustrations et le côté "charleston" qu'elles dévoilent.

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    1. La mode 1920 avait beaucoup de chic, n'est-de pas? Quant à ce voyage à Rome, j'en garde un souvenir merveilleux. J'imagine que tu as aussi beaucoup aimé cette ville!
      Je t'embrasse,
      Marianne

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